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LE MAÎTRE IGNORANT - cinq leçons sur
l’émancipation intellectuelle [1987]
Jacques Rancière (2009, 10/18)
iBouquin:https://mega.nz/file/ocYBkKLJ#TT3TtQK0N1Z-MBFbgzZQAZja8QwCI-66bujfYRkToDQ
Si t'as les moyens:
https://www.lisez.com/livre-de-poche/le-maitre-ignorant/9782264040176
Présentation:
En l'an 1818, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé et lecteur de littérature française à l'université de Louvain, commença à semer la panique dans l'Europe savante. Non content d'avoir appris le français à des étudiants flamands sans leur donner aucune leçon, il se mit à enseigner ce qu'il ignorait et à proclamer le mot d'ordre de l'émancipation intellectuelle : tous les hommes ont une égale intelligence. On peut apprendre seul, sans maître explicateur, et un père de famille pauvre et ignorant peut se faire l'instructeur de son fils. L'instruction est comme la liberté : elle ne se donne pas, elle se prend. Elle s'arrache aux monopoleurs d'intelligence assis sur le trône explicateur. Il suffit de se reconnaître et de reconnaître en tout autre être parlant le même pouvoir.
Il ne s'agit pas de pédagogie amusante, mais de philosophie et, si l'on veut, de politique. La raison ne vit que d'égalité. Mais la fiction sociale ne vit que des rangs et de leur inlassable explication. À qui parle d'émancipation et d'égalité des intelligences, elle répond en promettant le progrès et la réduction des inégalités : encore un peu plus d'explications, de commissions, de rapports et de réformes, et nous y arriverons. La société pédagogisée est devant nous. À sa manière moqueuse, Joseph Jacotot nous souhaite bon vent. (Fayard)
Laissons le soin à Rancière de présenter lui-même son livre publié pour la première fois en 1987 : « J’ai écrit un ouvrage qui s’appelle Le Maître ignorant. Il me revient donc logiquement de défendre sur ce sujet la position apparemment la plus déraisonnable : la première vertu du maître est une vertu d’ignorance. Mon livre raconte l’histoire d’un professeur, Joseph Jacotot, qui fit scandale dans la Hollande et la France des années 1830 en proclamant que les ignorants pouvaient apprendre seuls sans maître pour leur expliquer, et que les maîtres, de leur côté, pouvaient enseigner ce qu’ils ignoraient eux-mêmes. Je voudrais pourtant montrer qu’il ne s’agit pas là de plaisir du paradoxe mais d’interrogation fondamentale sur ce que savoir, enseigner et apprendre veulent dire ; pas de voyage dans l’histoire de la pédagogie amusante mais de réflexion philosophique absolument actuelle sur la manière dont la raison pédagogique et la raison sociale tiennent l’une à l’autre. » (Là-bas)
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Jacques Rancière
est professeur de philosophie à l’Université de Paris VIII (1969-2000), philosophe, théoricien de la politique et l’esthétique.
Né en 1940 à Alger, le jour de la mort de son père, le jeune Jacques Rancière passa trois ans à Marseille puis s’installa à Paris. Il s’orienta tôt vers des études de philosophie dans le cadre de l’École normale supérieure, où il adhèra à l’Union des étudiants communistes. À vingt-cinq ans, il était un des co-auteurs de l’ouvrage Lire le Capital, publié sous la direction du célèbre philosophe marxiste de la rue d’Ulm, Louis Althusser. Il rédigea le chapitre consacré au « concept de critique et la critique de l’économie politique des Manuscrits de 1844 au Capital ». Il se rapprocha ensuite de la Gauche prolétarienne, mais ne prit pas part aux événements de mai 1968. « Je n’ai eu, en Mai 68, aucune participation effective. J’étais pensionnaire à la Fondation Thiers, et je vivais le reste de ma vie à la campagne, je n’avais pas d’ancrage militant, plutôt une distance. Pour moi, 68 n’a été important que dans la longue durée » (« A part Rancière », entretien avec Robert Maggiori, Libération, 5 mars 1998). Prenant ses distances avec l’althussérisme très en vogue dans une partie des milieux intellectuels français, il publia en 1974 La leçon d’Althusser, où il entendait exprimer, alors que le reflux du « gauchisme » commençait, un « refus politique de suivre les théories et les stratégies du « reflux » dans leurs variantes marxistes ou antimarxistes [et le] désir de maintenir ouvert, dans son indécision même, ce champ de subversion des pensées, des institutions et des pratiques ouvert par l’événement de 1968 (...) opposer la topographie des possibles aux pensées des fins ou de la fin de l’histoire, c’est l’effort que je n’ai cessé de poursuivre (...) » (Jacques Rancière, postface à la nouvelle édition de La leçon d’Althusser, La Fabrique, 2011).
Dans ces phrases sont synthétisées avec clarté ce qui a animé depuis lors la démarche ranciérienne. Il la développa d’abord dans le cadre de son activité universitaire. En 1969 Jacques Rancière fit son entrée aux côtés de Michel Foucault et d’Alain Badiou au département de philosophie de la nouvelle université de Vincennes. Il y enseigna jusqu’en 2000. Sensible aux arguments maoïstes développés notamment par son collègue Badiou, Rancière s’éloigna néanmoins rapidement du marxisme traditionnel. Sa démarche se prolongea dans l’animation d’un collectif, Révoltes logiques, qui publia sous ce nom une revue entre 1975 et 1981. Il y côtoyait, entre autres, Arlette Farge et Geneviève Fraisse. Rancière écrivit en parallèle une thèse d’État qui donna lieu à une publication en 1981, La Nuit des prolétaires (sous-titré pour la deuxième édition de 1983 et les suivantes : archives du rêve ouvrier). Rancière y défend l’idée d’un écart considérable entre la réalité des mouvements ouvriers du XIXe siècle et l’image classique qu’en donnent le marxisme et les partis communistes. Il souhaitait « chercher dans l’histoire la réalité des formes d’émancipation ouvrière pour comprendre comment elles avaient été confisquées par le marxisme » (Entretien dans Sciences Humaines, n° 198, novembre 2008). Se fondant sur de nombreuses archives, notamment celles portant sur les courants saint-simoniens, Rancière s’intéressait aux individus mettant en question une certaine identité ouvrière, montrant l’existence d’une fascination pour la parole littéraire chez des ouvriers qui, après avoir enduré leur labeur le jour, pensaient et créaient la nuit. Cet ouvrage lui ouvrit progressivement la voie d’une reconnaissance internationale : La Nuit des prolétaires fut traduit en anglais en 1989. Entre-temps, Rancière développa une philosophie de l’émancipation, celle de la participation de tous à l’exercice de la pensée et à la politique. Ses conclusions se fondent sur l’étude d’écrivains prolétaires – Louis Gabriel Gauny, parquetier et philosophe (Le Philosophe plébéien, 1985) et Joseph Jacotot (Le Maître ignorant, 1987). Contre les intellectuels qui prétendent détenir la vérité – on retrouve à nouveau les traces de sa rupture profonde avec l’althussérisme – il se battit pour l’abandon de la traditionnelle distinction entre savants et ignorants. « Je suis étranger à l’idée que la philosophie aurait pour tâche d’établir les fondements du savoir. Pour moi, elle est bien plus une activité de déconstruction, de déclassification ». (Entretien, Sciences Humaines, n° 198, novembre 2008). Rancière conserva ce point de vue sur les intellectuels engagés, critiquant notamment les approches et positionnements d’un Jean-Paul Sartre* ou, ultérieurement et pour d’autres raisons, d’un Pierre Bourdieu.
Proche des Cahiers du cinéma, Rancière explora également les liens entre esthétique et politique. À partir des années 1990, la réflexion de Rancière, sans jamais abandonner la politique (La Haine de la démocratie, La Fabrique, 2005), s’est davantage tournée vers des problématiques liées au cinéma et à l’esthétique. Courts voyages au pays du peuple (Seuil, 1990) inaugura cette nouvelle phase de son œuvre. Un aperçu de ses nouveaux développements peut être consulté dans Le spectateur émancipé (La Fabrique éditions, 2008) qui a repris nombre de conférences données dans des universités, des centres d’art et musées entre 2004 et 2008.
Bien que n’ayant pas d’activité politique proprement dite, Jacques Rancière peut être considéré comme un des penseurs du renouveau de la « gauche de la gauche » depuis le début des années 2000. La partie historique de son œuvre a par ailleurs connu une réception importante chez certains historiens du XIXe siècle, à l’image de Michèle Riot-Sarcey, dont l’ouvrage 1848. La révolution oubliée (co-écrite avec Maurizio Gribaudi) peut être considéré comme largement inspiré par la démarche de Rancière. Une bonne partie des ouvrages de Rancière est depuis des années publiée par les éditions « La Fabrique » dirigées par Eric Hazan, considéré comme un des éditeurs les plus en vue de la gauche radicale, héritier de la démarche de François Maspero. À l’étranger, Rancière est un des philosophes français les plus connus et ses ouvrages sont traduits dans de nombreuses langues. Des travaux universitaires, des campus de New-York à celui Nankin en passant par ceux des Pays-Bas, ont été consacrés à son œuvre.
Jacques Rancière est le père de l’économiste Romain Rancière.
https://maitron.fr/spip.php?article163292