Plan de l’article :
I. Définition générale
II. Morphologie
III. Copules
IV. Verbes à élargissement attributif
V. Attributs de l’objet
VI. Bibliographie
I. Définition générale
Que sont les attributs ?
Nous avions déjà évoqué la notion d’attribution, jadis, par l’intermédiaire du concept de diathèse du verbe, comme on peut faire l’analyse de la « voix passive » sous l’angle de l’attribution. Typiquement et généralement, l’actant de type « attribut » est analysé comme un actant essentiel du verbe, puisque sa suppression entraîne un changement majeur de sens (1). On le trouve généralement à la droite de verbes dits attributifs comme être, paraître ou demeurer, et servent généralement à préciser une propriété ou une qualité d’un autre actant comme le sujet.
(1a) Jean paraît malade.
(1b) Jean paraît.
En ce sens, l’attribut est non seulement dépendant de l’identité du verbe l’introduisant, mais aussi de l’actant auquel il se rapporte. Cela se voit notamment par l’intermédiaire de l’accord entre l’attribut et l’actant auquel il se rapporte (2). Cet actant est souvent sujet, mais il peut aussi être, comme on le verra, objet du verbe.
(2a) Jean est gentil.
(2b) Marie est gentille.
Si les interprétations sémantiques de l’attribut sont diverses, elles impliquent généralement une procédure d’identification, proche de l’opérateur égal (« = ») des mathématiques. Il s’agit d’attribuer (d’où le nom « d’attribut ») une propriété, de l’ordre de la qualité ou de l’identité à un autre référent.
Un certain nombre de structures peuvent être qualifiées comme relevant de l’attribution, et un très grand nombre de verbes peuvent les introduire. Au niveau syntaxique, deux propriétés majeures permettent de repérer l’attribution :
- D’une part, le lien que l’attribut tisse avec le verbe introducteur les consacre comme faisant partie pleinement de sa structure d’actance. En ce sens, un détachement en tête de phrase nécessite de prendre le groupe composé du verbe attributif et de l’attribut (3b), et non pas, simplement, l’attribut seul (3c). Au contraire, les compléments d’objet direct peuvent être isolés en tête de phrase (4b).
(3a) Tout le monde rêve d’être heureux
(3b) Être heureux, tout le monde en rêve.
(3c) *Heureux, tout le monde rêve d’être.(4a) Tout le monde rêve de manger des pommes
(4b) Des pommes, tout le monde rêve d’en manger.
(4c) Manger des pommes, tout le monde en rêve.
- Ensuite, ces attributs peuvent être pronominalisés par la forme invariable le, qui agit davantage comme une « béquille syntaxique » assurant la grammaticalité du verbe, que comme une véritable anaphore, référentiellement interprétable. Là encore, ce trait distingue, les attributs des compléments d’objet.
(4a) Je suis une psychologue.
(4b) Je le suis (attribut)
(4c) Je la suis (complément d’objet)
Notre article reviendra tout d’abord sur la diversité morphologique des attributs, avant d’explorer les deux grandes familles de verbes pouvant les introduire : les copules et les verbes à élargissement attributif. Nous terminerons par parler des attributs de l’objet, qui composent une famille de compléments au repérage parfois difficile.
II. Morphologie des attributs
Ces deux dernières propriétés (détachement avec le verbe en tête de phrase ; pronominalisation par le) nous permettent de faire un inventaire des différentes formes que peuvent prendre les attributs en française. On peut trouver, ainsi :
- Des adjectifs, souvent présentés comme la forme prototypique de l’attribut.
(5) Je suis heureux/heureuse.
- Des noms avec ou sans déterminant :
(6) Je suis professeur.
(7) Je suis un professeur.
- Des pronoms :
(8) Ils sont plusieurs.
- Des subordonnées relatives (indéfinies ou périphrastiques) :
(9a) Je suis qui je suis.
(9b) Je suis celui que tu crois.
- Des groupes prépositionnels :
(10) Pierre est de bonne humeur.
- Des adverbes :
(11) Marie est ainsi.
- Des propositions infinitives :
(13) Souffler n’est pas jouer.
- Ou des subordonnées circonstancielles :
(14) L’inflation (c’)est quand l’argent perd sa valeur.
III. Copules
Les copules sont des verbes spécialisées dans l’introduction d’attributs du sujet : ce sont les seuls compléments qu’ils peuvent introduire. Le verbe être est sans doute le prototype de cette famille et sans doute le plus employé ; mais on peut également trouver une série de verbes qui peuvent être vus comme des variantes sémantiques de celui-ci, comme paraître, devenir, demeurer, sembler ou rester. Ainsi, devenir dénote une identité future ou en cours d’accomplissement alors que paraître signalerait une identité superficielle.
Le verbe avoir peut également, dans certaines structures, avoir un rôle de copule et introduire des attributs, et non des compléments d’objet. Ainsi, les exemples (15) emploient avoir dans un rôle de copule, comme le montrent les tests de pronominalisation et de détachement :
(15a) Je n’ai pas honte d’avoir faim.
(15b) Les maisons ont le toit pentu.
(15c) (D’)Avoir faim, je n’en ai pas honte.
(15d) Elles l’ont (*Elles les ont)
Le verbe avoir peut également entrer dans des périphrases attributives, et l’accord peut parfois être senti comme facultatif, en fonction de l’analyse : après l’expression avoir l’air, l’accord, fréquent, indique un lien attributif avec le sujet (16a) ; mais l’absence d’accord fait de l’adjectif un épithète du nom air, et non un attribut.
(16a) Marie a l’air idiote.
(16b) Marie a l’air idiot.
On notera enfin que dans dans une perspective interlangue, c’est tantôt l’équivalent de la copule être, tantôt le verbe avoir, qui rend la même propriété attributive :
(17a) I am 16 (ang.)
(17b) J’ai 16 ans.
Enfin, notons que les copules peuvent souvent être supprimées, particulièrement le verbe être, l’attribut devenant un genre d’apposition ou de construction détachée :
(18a) Marie est une autrice et elle compose des romans.
(18b) Marie, une autrice, compose des romans.
IV. Verbes à élargissement attributif
Du fait de l’ellipse possible de la copule, certaines verbes peuvent, au prix d’une sorte d’associations de prédications réduites, introduire des attributs alors que leurs structures d’actance ne semblent pas, normalement, s’y prêter. Par exemple, en (19a), l’adjectif furieuses est attribut du sujet elles, par l’intermédiaire du verbe sortir, verbe de direction mais qui devient, ici, un verbe à élargissement attributif.
(19a) Elles sont sorties furieuses du bureau.
L’attribut, une fois encore, se repère par l’accord (furieuses et non furieux). La portée de la négation, qui va toucher non pas l’action du verbe, mais la propriété offerte par l’attribut (19b), permet également d’identifier le lien fort entre l’adjectif et le verbe, lien caractéristique de l’attribution et non d’un autre type de complément.
(19b) Elles ne sont pas sorties furieuses du bureau, mais heureuses.
En ce sens, (19a) peut être analysé comme le mélange de deux prédications, l’une événementielle, décrivant le mouvement du verbe sortir, ce qui serait son sens principal :
(19c) Elles sont sorties du bureau.
et une seconde prédication, existentielle ou attributive, portant sur l’adjectif furieuses :
(19d) Elles sont furieuses.
En quelques sortes, il y a comme une « mise en facteur commun » et la copule étant facultative, il devient tout à fait possible d’élaborer une expression réduite et d’étendre le domaine de l’attribution. Ce phénomène est assez fréquent : les verbes pronominaux (se trouver, se sentir…) sont des candidats de choix à cet élargissement attributif.
(20) Marie s’est retrouvée/trouvée/sentie… idiote sur le coup.
V. Attribut de l’objet
L’ellipse de la copule permet aussi de construire un phénomène plus discret en français, les attributs de l’objet, qui établissent un lien attributif non avec le sujet syntaxique de la phrase, mais avec un complément d’objet. La difficulté de repérage tient en ce que ces attributs, comme propres en (21a), sont identiques à des adjectifs épithètes.
(21a) Laissez les murs propres.
Nous avons pourtant ici, comme en (19a), une superposition de deux prédications, l’une événementielle :
(21b) Laissez les murs
, l’autre existentielle :
(21c) Les murs sont propres.
Différence étant, la relation attributive ne se fait pas avec le sujet, mais l’objet du verbe laisser, soit les murs. Une fois encore, remarquons que la négation porte sur l’attribut, et non sur le complément d’objet :
(21d) Ne laissez pas les murs propres, mais sales.
Mais également, on peut pronominaliser l’objet à part de l’attribut, du moins selon l’interprétation que l’on veut donner à la phrase, attribution (21e) ou complément d’objet (21f).
(21e) Laissez-les propres.
(21f) Laissez-les.
VI. Bibliographie
Parmi les références que nous pouvons citer sur ce sujet :
- Un article de 2005 d’H. Korzen, sur la difficulté de traduire les copules entre les langues danoises et française.
- Un article de C. Delhay de 2014, sur l’élaboration d’un « complément attribut » dans la grammaire scolaire, et la difficulté inhérente à sa transposition didactique.
- Enfin, et du point de vue diachronique, on citera cet article de C. Marchello-Nizia (1996) sur l’évolution de l’attribut en français au 12e et 13 siècle, et sa distinction de l’adjectif et des autres types de complémentation verbale.
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