#poetesse

2025-11-15

Au niveau formel, dans une partie du recueil, l'autrice construit sa prose à partir de l'"Histoire des animaux" d'Aristote, dont elle noircit la majorité des lignes d'écriture pour ne conserver que quelques mots par page.

#Poésie #Poétesse

Une photo de deux pages du Livre I de l'Histoire des animaux, d'Aristote.
La majorité des mots sont noircis.
Ne reste qu'une suite de mots :
"...les... animaux... se divisent en... chairs... les autres... en mains... en visages... celles qui... sont formées.... ressemblent... toutes... à l'oeil... d'un... homme ; 
... un même genre... séparé de l'autre... en un mot... des parties se rencontrent... pour... dire... la masse totale du corps... des animaux... la main... possède... encore...
2025-11-15

Poésie du soir : "Un carré de poussière", d'Olivia Tapiero. Un recueil que l'autrice dédie aux "personnes qui survivent et qui ne survivent pas aux violences commises au nom de la civilisation et de la raison".

Le texte se déploie en plusieurs séquences sous la forme d'une enquête, d'une mise en accusation contre une certaine tradition de pensée occidentale qui s'est construite et imposée depuis l'Antiquité. L'autrice en dénonce les mécanismes d'oppression, d'exploitation et de destruction qui lui sont inhérents et l'ont accompagnée.

Un extrait :
"En descendant de la montagne pour amorcer ma vie intellectuelle j'avais ainsi déclenché le cycle de mon injure et de ma sujétion. Fière d'exceller sous tutelle, séduite par le goût métallique des concepts qui roulaient dans ma gorge, j'avalais un système où une phrase prononcée par un homme quelconque vaudrait toujours plus qu'une chair vivante." (p. 23)

(Quelques passages supplémentaires en photos ci-dessous.)

#Poésie #Poétesse #MastoLivre #Poème

Couverture de "Un carré de poussière", d'Olivia Tapiero (éd. du commun).

Une couverture représentant des lignes de texte dans lesquelles la majorité des mots ont été noircis. Ne restent que ceux qui forment le titre du recueil : 
"...Un...
...carré...
de.....
...poussière..."Photo de la page 9 :

"Je suis née avec les objets. J'ai laissée une trace sur le mur et j'ai attendu qu'on me regarde. J'ai respiré, j'ai dégluti, j'ai recousu ma gorge pour comparaître au grand nettoyage. J'ai accouché d'un meurtre, retrouvé ma voix dans un ciel troué. J'ai palpé des rochers en plastique, des animaux remplis d'une matière quelconque. J'ai frotté mes yeux, le soleil, le goudron. J'ai vu des hommes jeter du bétail à la mer, j'ai vu des sacrifices, des guerres, des performances. J'ai entendu le refus dans la chair des vaches, j'ai mangé leur nom. J'ai creusé la boue jusqu'au fossile de mes mains. J'ai appris à marcher dans mon ombre, à bien astiquer les statues. J'ai servi les armes blanches, tranché là où il fallait. Pour faire croire au temps j'ai retourné chaque pierre. J'ai goûté dans le lait un sang secret, j'ai vu les plantes salines et la terre craquelée. J'ai cherché les filles, j'ai cherché le couteau à l'intérieur des filles. Les images entraient et sortaient de moi, leurs eaux se fermaient sur un sujet glacé. Je ne sais pas si l'huître pleure, si le métal souffre. Je ne sais pas calculer la pression que les corps savent endurer avant de ne plus être des corps."Photo de la page 22 :

"J'ai connu le corps social, ses mises en forme. J'ai connu le danger de se sentir chez soi, l'issue érotique d'emblée vers l'âge de la raison. Les maisons donnent aux filles la forme de leur chute. Les fenêtres m'appelaient et je cherchais une façon d'additionner les choses. Ignorant de quelle fiction j'étais la preuve, j'ai couru très vite pour traverser la vitre, j'ai couru vers le savoir, vers le banquet, loin de la maison et dans la gueule de l'homme. La connaissance n'était pas la connaissance mais le pouvoir, alors j'ai su que j'étais la viande et qu'il me faudrait détruire quelque chose de moi pour décrire quelque chose du monde."Photo de la page 48 :

"Des femmes disparaissent derrière les murs. Ils nomment pensée ce qui reste du côté des décideurs et je demande combien de fantômes pour le monde de la raison, combien d'oiseaux fracassés contre un reflet de ciel, le siècle des Lumières en valait-il la peine. L'avenir ne durera plus très longtemps. Les cigognes sont parties, elles ne reviendront pas. Des métaphores liquéfiantes ont naturalisé le capital et à présent les lauriers fleurissent dans les ravins secs où l'eau passait l'année dernière, leurs pétales roses s'éparpillent comme une mémoire d'avant-soif. Le bison dessiné sur la paroi de la grotte annonce l'extinction à même la préhistoire, les pyramides de crânes sous les sols d'Amérique. Depuis le début c'est le mur qui écrit."
2025-11-02

Et un extrait du texte "L'odeur des pierres mouillées", qui donne son titre au recueil.

#MastoLivre #Poésie #Poétesse #Poème

Tu sais ce besoin
qu'on dit avoir parfois, 
to feel seen, 
se sentir vue pour «ce qu'on est». 
Je trouve ça chelou 
et important. 

Comment, par qui, pourquoi? 

Est-ce que je suis 
fabriquée par la manière dont je suis perçue? 

Est-ce que je 
deviens ce qu’on 
voit de moi?Hier
la rivière
a eu l'air de demander

et si tu devenais
ce que
tu
perçois?

J'ai fondu en larmes sur le rocher

parce que je n'avais d'yeux
que pour elle.
2025-11-02

Une lecture qui m'a marquée ce week-end : "L'odeur des pierres mouillées", de Léa Rivière. Un livre qui rassemble 4 textes poétiques (trois assez courts et un plus long qui met en scène une conversation). L'autrice parle d'expérience trans, de genre, de rapport au corps, de rapport aux autres, de nature, de politique... Beaucoup de passages qui m'ont émue / interpellée.

Un extrait du texte "Je suis pas trans dans la forêt" :
"C’est le nom de l’écart entre moi et ce qui aurait été plus simple que je sois, franchement ce qui aurait vraiment arrangé tout le monde.
C’est le nom de la fosse plus ou moins sceptique installée entre moi et ce qu’on a commencé à me demander d’être quelques mois avant ma naissance.

TRANS c’est le nom de la différence entre la chose étrange mouvante et pas finie que je suis et le projet un peu ambitieux de faire coïncider la multiplicité foisonnante des formes de vies animales en deux catégories douteuses.

C’est le nom d’un défaut structurel d’imagination."

(Un peu plus en photos ci-dessous.)

#MastoLivre #Poésie #Poétesse #Poème

Photo de la couverture du livre "L'odeur des pierres mouillées", de Léa Rivière.
Publié aux éditions du Commun.

Une couverture cartonnée, sur laquelle le titre et le nom de l'autrice sont écrits en vert clair.TRANS c'est le nom d’un rapport entre le monde et moi. Le nom d’une balise qui dit "C’est pas par là", un trigger warning, un panneau sur lequel on a écrit "Attention à la marche".

C’est un peu ma meilleure copine, mon ange gardien rémunéré, une contrôleuse qui déciderait de pas me verbaliser sans dire à ses collègues que j’avais pas de ticket.

TRANS c’est le nom de l’animal qui nage/court/vole/rampe avec moi dans la rue pour prévenir la dame de garder sa question pour elle.

C’est le nom d’une technologie de médiation capable de faire raconter des histoires qu’on avait apprises à pas dire à l’école.

Je suis pas trans dans la forêt.

Je suis trans tant que tu continues à opérer une corrélation entre un appareil génital, un pronom, une géographie des poils et un rôle social.

TRANS c’est le nom de ce que tu vois de moi tant que t’as pas appris à me voir moi.

C’est un beau nom. Un nom de feu et de serpent sacré.

TRANSsssssC’est le nom de l’écart entre moi et ce qui aurait été plus simple que je sois, franchement ce qui aurait vraiment arrangé tout le monde.
C’est le nom de la fosse plus ou moins sceptique installée entre moi et ce qu’on a commencé à me demander d’être quelques mois avant ma naissance.

TRANS c’est le nom de la différence entre la chose étrange mouvante et pas finie que je suis et le projet un peu ambitieux de faire coïncider la multiplicité foisonnante des formes de vies animales en deux catégories douteuses. 

C’est le nom d’un défaut structurel d’imagination.Cette distance, ce trou, cet écart, entre la norme et moi, n’existe que par rapport à cette norme. 
Si la norme disparait il n’y plus rien pour être entre, pour être en dehors, il n’y a plus d’écart, plus rien à nommer.

Je suis pas trans dans la forêt.
2025-10-09

Poésie du soir : "Le feu et les oiseaux. Talisman pour le monde qui viendra", avec un texte de Céline Cerny et des peintures d'illustration de Line Marquis.

Dans le livre, une poétesse s'adresse à celle qu'elle aime, tout en écrivant pour que les enfants se souviennent, dans un "monde d'après" qu'elle imagine. Un texte poétique écoféministe, à la fois doux, déchirant et touchant, porté par la résolution de l'autrice à esquisser sur le papier, depuis notre présent, un possible "après" où d'autres rapports de genre et d'autres rapports au vivant émergeront.

(Quelques extraits en photo ci-dessous.)

#Poésie #Poétesse #Féminisme #MastoLivre

Couverture de "Le feu et les oiseaux. Talisman pour le monde qui viendra", Céline Cerny - Line Marquis.

Publié chez Art & Fiction.

Une couverture avec un fond orange sur laquelle se détache une peinture avec mille et une nuances de bleu, sur laquelle se distingue ce qui ressemble à une baleine sur laquelle des arbres ont poussé.Photo de la page19 :

"Il nous faut apprendre des chan-
sons, mettre à I'abri nos répertoires. 
Répéter les paroles et les airs dès maintenant. 
Et toi, tu fabriqueras les instruments de musique. 
Je ne vois que ça, les berceuses et les hymnes de joie. 

Est-ce que les dinosaures fascinent 
les enfants parce qu'ils ont disparu? 
Que leurs apparences effrayantes 
évoquent un univers qui aurait pu 
être le nôtre et où le danger aurait été 
constant? Est-ce que ça nous rassure 
de penser qu'avant c’était pire? 
J'ai grandi avec la conviction que seuls 
les dinosaures pouvaient disparaître 
et que nous, nous serions éternels. 
Les enfants peuvent croire 
simultanément à la disparition de 
leur propre espèce et à l'aptitude 
scientifique que nous aurions de faire 
revivre les dinosaures. 
C'est sens dessus dessous. 
Mais je ne sais pas trop quoi leur 
répondre, à part que les oiseaux sont des dinosaures.Photo de la page 21

"Il faudra le fait un peu grand
parce qu'il y a les enfants.
Voudrais-tu le dessiner ?
Ou me raconter de quoi il sera fait ?
Tu te souviens, dans le monde
d'après, on s'aimera au grand jour,
on s'embrassera devant tout le monde
et ce sera aussi juste que le lever
du soleil.
Mais quand viendra le soir, quand
tout sera endormi, nous voudrons nous
cacher pour nous aimer.
Nous deux, toutes les deux.

Dans le monde d'après, les jolies
choses n'auront pas disparu.
Il ne faudra pas avoir de regrets,
de tout ce que nous n'aurons pas
fait avant.
Peut-être qu'on sera tellement
vieilles qu'on nous foutra la paix.
Et si nous devons mourir,
j'aimerais avant cela noyer tout le
sombre de nos vies dans le parfum 
de tes cheveux."Photo de la page 82 :

"Dans le monde qui viendra naîtront
de nouvelles langues. Pour se 
comprendre, il faudra bien mélanger
les mots qui nous restent et écha-
fauder des grammaires originales.
On aura tant à raconter.
Je te promets, avec des nouvelles
langues, on saura composer de
nouveaux chants.
Le son, le vent et la force d'écouter. 

J'irai puiser dans les récits les plus
anciens qui résonnent encore.
Je raconterai les légendes qui
disent comment la lune, gardée dans
la soupière d'une femme âgée de
mille ans, s'est échappée pour gagner
le ciel.
Je raconterai comment les
femmes, à force de piler le grain,
ont troué le ciel pour créer
dans la voûte céleste les espaces
nécessaires aux étoiles.
Je chanterai l'histoire des fileuses,
qui font naître et mourir et voient
sans yeux."
2025-09-28

Et un dernier extrait de ce texte poétique - parmi toutes les pages que j'ai prises en photo au fil de la lecture, le choix a été difficile <3

"Alors, une dernière fois, je passe du monde à l'abysse - pour témoigner depuis la zone de guerre de l'expérience humaine et du chant des oiseaux morts.

Je suis un corps capricieux qui n'a de cesse de changer de forme. Toute entière livrée au regard de l'autre, sculptée par son désir.

Autre. Au-delà, en deçà. En travers.

Fuir. Fuite. Fugue.

Maudite et bénie.

Toute dans l'entre, dans la fente.
En dedans.
Au-dehors."

(La suite en photo)

("Mais cette vie-là demande. toujours. plus. de. lumière.", de Sabrina Calvo, p. 78.)

#Poésie #Poème #Poétesse #MastoLivre #Lecture

Alors, une dernière fois, je passe du monde à l'abysse - pour témoigner depuis la zone de guerre de l'expérience humaine et du chant des oiseaux morts.

Je suis un corps capricieux qui n'a de cesse de changer de forme. Toute entière livrée au regard de l'autre, sculptée par son désir.

Autre. Au-delà, en deçà. En travers.

Fuir. Fuite. Fugue.

Maudite et bénie.

Toute dans l'entre, dans la fente.
En dedans.
Au-dehors.

Je suis cette fille abandonnée sur le bord de la route. Je suis cette femme en boule devant sa machine à laver. Perdue dans un monde où tout flou est moqué.

M'incarner parfois me tord.

Alors, en biais
je me découpe.

Je tranche à la peau renversée.

Mes couches, pelées.

Mes jours - plissés.
2025-09-28

Une lecture du week-end (pour poursuivre l'exploration de la collection "poésie" des éditions du commun) : "Mais cette vie-là demande. toujours. plus. de. lumière.", de Sabrina Calvo. Un texte intime. Des mots qui résonnent, percutent, marquent. Une prose qui m'a happée et dont je ressors touchée.

#MastoLivre #Lecture #Poésie #Poétesse #Poème

Couverture cartonnée grise sur laquelle une écriture violette indique :

Mais
cette vie-là
demande.
toujours.

plus.
de.
lumière.

Sabrina CalvoPhoto d'une page.

"De nouveau réveillée par la pleine lune, il était cinq heures passées. J'ai pris un bain de rayons face à la fenêtre. Noyée dans son eau - et de mes cheveux  mouillés j'ai tiré du fil que je vais coudre dans l'ouvrage du matin. Avant de les nouer je les consacre dans la rosée de tes larmes, recueillies dans la terre des plantes aux fenêtres. En les assemblant je chante les visages des douces amies, aux mots dits, en flammes. Le tissé de cette robe sélénite est une trace magique. Patiemment, le souffle s'accommode du rythme des mains qui retracent la couture d’une face sur l'autre, endroit contre endroit, face lumière, face cachée. Elle aura le liquide du coulé de toi, pour me couvrir pendant la prière. Pour me protéger et m’endormir quand le rêve se refusera. 

Tu me demandes pourquoi je veux changer le monde avec des robes, réelles ou virtuelles. Un drapé de vecteurs ou de fils en cheveux d’or. Peut-être parce que je sais que nous ne sommes pas seules. Que tout ce que nous faisons impacte le visible, comme l’invisible. Et nous donnons ces peaux aux autres pour les vêtir d'intentions. On se demande si c'est souhaitable - ce serait comme faire des marionnettes a la merci des aiguilles, des folles Déesses.

(p. 17)

[Commentaire : Pas assez de caractères pour rendre compte de l'ensemble du texte > la suite dans la photo suivante qui est la page 18.]Photo d'une page.

[p. 17] Alors je repense au toi-tigre et à nos héroïnes. Et tout ce qu'il nous reste — c'est cette eau. Quand la marée s'est retirée du sable où nous avons bâti nos châteaux, Lune fait miroiter des perles de goutte et je comprends que c’est tout ce que je sais faire : voiler l'astre. Le couvrir pour que nos yeux fatigués puissent le contempler et dans son sourire accepter notre sort 

[p.18] - dérivatives, nous les groupes du feu sur les traces de l'eau.

Alors trouvons la source.

Nous sommes filles des étoiles et nous sommes assoiffées.Photo d'une page, où est écrit :

du bisou-bisou, découpé en triangles — j'aime les triangles. J’ai tout bâti rapidement au fil rose, sans penser envers, endroit. Juste harmonie des lignes entre elles, découpage dans ma tête du tombé, possible, potentiel, je n’en sais rien. Je n’ai aucune idée de ce que je fais. Not anymore. Not ever en fait. J'ai vu les espaces apparaître, j'ai glissé des fils de laine pour tenir - pas encore le point idéal, ça se voit mais c'est proto. J'ai renversé le tout, suspendu les endroits lâches à la tension - ça tient. C'est là. Ça dévoile l'épaule, j'ai tendu la laine en bretelle. Ça arrondit la hanche. Ça serre. Derrière ça découpe l'omoplate en cisaille implacable.

Wow, ça tient. 

Benjamin Fondane écrivait : « La poésie, la prière et le cri constituent une hiérarchie d’actes s’efforçant de modifier le réel et de provoquer le miracle. » 

Bah écoute, allez.

C'est pas comme si j'avais autre chose de prévu.
2025-09-11

Poésie du soir : le dernier livre d'Héloïse Brézillon, paru en cette rentrée chez Cambourakis, "Period2."

Son précédent livre, "T3M", m'avait beaucoup marquée au printemps. Avec "Period2.", on est toujours dans ce registre que l'autrice qualifie de "poésie science-fictionnelle", mais le thème est très différent : il est question d'effondrements et de liens à retisser avec les "autres-qu'humains". On y retrouve aussi l'influence des écrits de Donna Haraway, avec "Vivre avec le trouble", qui est mis en avant.

#Poésie #Poétesse #ScienceFiction #MastoLivre

Photo du livre "Period2.", par Héloïse Brézillon.
Illustration de couverture : Zephir.

Un décor végétal, marqué par des ronds blancs, sur lequel donnent des formes géométriques. Une silhouette d'enfant paraît voler et tracer un trait rouge dans le paysage.Photo d'une page avec deux lignes :

"un futur est mort j’ai vu sa carcasse
ses intestins bordeaux ont taché la ligne blanche"Photo d'une page, où est écrit :

la peinture blanche du cadran de la fenêtre s'écaille et le
bois révélé porte une lenteur
une lenteur au travers du carreau supérieur droit l'araignée
de deux centimètres tricote, elle est un centre
un centre un pivot une gravité pour la terre l’araignée
porte le monde entre ses pattes
ses pattes les échasses et son corps funambule sur la toile
la bestiole spectaculaire tisse
tisse les secondes en maillage, l'araignée tangue elle est
fabriquée de maladresse
maladresse mon regard posé sur elle,
c'est toutPhoto d'une page où est écrit :

à beaucoup chanter avec les mésanges nos voix ne sont
bientôt plus des voix et la parole s'oublie, s'étouffe dans le
vacarme des forêts
à beaucoup se taire dans les jardins, sur nos cernes poussent des boutures, nos cicatrices en fleurs
Blobinette FrétillanteJoannanewsomsuperfan@mas.to
2025-07-27

"#Sappho a été non seulement la première femme écrivant mais aussi la première personne à écrire en son nom propre, sans invoquer l'aide des divinités de l'inspiration. La première confession humaine est celle d'une femme ; le premier auteur, une autrice ; avant elle, il n'y avait que des histoires, qui circulaient depuis la nuit des temps, incréées."

Laure De Chantal, Les neuf vies de Sappho : le premier écrivain est une écrivaine, éditions Champs, 2025

#poétesse #poésie

Blobinette FrétillanteJoannanewsomsuperfan@mas.to
2025-07-27

"Fortifie-toi de ce que tu as appris
des chuchotements de ceux qui t'entourent
sans qu'ils s'en rendent compte
et mets dans ta besace une poignée d'invocations
de la femme qui, jadis, a celé la douleur
puis l'a transmutée en sucre lorsqu'elle l'a plantée en toi"

Fatina Al-Ghorra, Dits du conteur. Traduit de l'arabe (Palestine) par Abdellatif Laâbi

#poésie #poétesse

Blobinette FrétillanteJoannanewsomsuperfan@mas.to
2025-07-26

"Je me rappelle le kiosque près des eaux au déclin du jour.
Nous étions trop ivres pour retrouver le chemin du retour.
Saturés de plaisirs, nous virâmes de bord sur le tard.
Égarés parmi les fourrés de lotus, nous ramions
Au plus vite,
Au plus vite.
Effrayés, de toute la rive, se levaient mouettes et hérons."

Li Qingzhao, Ru meng ling (comme en rêve), traduit du chinois par Liang Paitchin.
#poésie #poétesse

2025-06-29

Pour une #Poésie du soir : de courts extraits de "T3M" d'Héloïse Brézillon, avec deux des poèmes qui s'y trouvent.

L'exploration de la mémoire par la prose poétique évolue formellement tout au long de l’œuvre, de façon parfois particulièrement touchante et même bouleversante. C'est vraiment un livre où le fond et la forme se nourrissent l'un l'autre.

#Poème #Poétesse

mémoire thermoréceptive 

I'air touffu a une texture 
de forêt dense 
passer les mains dedans 
le nuage oragé dans I’habitacle 

une voiture éponge 
gorgée de soleil à pleuvoir 
sur les joues 

ça pèse sur la gorge
l'air ça compacte comme si 
la bmw était à la casse comme si 
la bmw était dans la bouche 
d'un grappin à ferraille 
déjà à 2 deux doigts 
de broyer 
les os petits 

une voiture micro-ondes 
la peau tendue gonfle 
une pellicule de plat sous vide 
prête à éclater répandre 
l'enfant sur les tapis 
sales de la 
bmw47°41'34.3"N 0°33"1 1.7°E 

I'épicentre
du bruit — 

la maison troglodyte 
le tilleul sans feuilles 
les mouvements hypnose 
des gendarmes rouges et noirs 
nourris à la solitude 
et au silence 

la petite fille polit les briques au papier de verre 
les lieux qui m’ont sculptée 
ont perdu leur tranchant 
sous sa main 

elle brise ses barreaux 
pour que je dorme un peu mieux 
tous les demains soirs
2025-06-29

Une lecture du week-end : "T3M", d'Héloïse Brézillon.
C'est un court livre de science-fiction & de poésie, au sein duquel l'autrice imagine, dans un futur proche utopique, T3M, un dispositif qui vise à permettre de se défaire d'un vécu traumatique. La narration nous entraîne ainsi dans les strates successives de la mémoire de la narratrice, explorant la façon dont des traumas l'ont marquée, et décrivant une guérison progressive au fil des sessions.

Outre le propos sur le poids des traumatismes d'enfant et la place accordée au soin et à la santé mentale, la forme poétique, mise au service du récit, confère à l'ensemble un souffle et une puissance qui m'ont beaucoup marquée. (Il faut dire aussi dire que le livre a résonné de plein de façons -sous un format original- avec différentes lectures faites ces derniers mois.)

#MastoLivre #SFFF #ScienceFiction #Utopie #Poésie #Poétesse

Couverture de T3M, publié aux éditions du commun.

Photo d'une couverture cartonnée, marron, sur laquelle sont écrites en grosses lettres orange "T3M", et puis en bas le nom de l'autrice en plus petit : Héloïse Brézillon.Première page de l'oeuvre, dans laquelle l'autrice explique son point de départ, et laisse entrevoir aussi la prose qui rythmera l'ensemble du livre de poésie.

"depuis quelques années la parole se libère sur les violences faites aux femmes dans le cadre domestique. ce dont nous parlons encore peu, ce sont des enfants invisibles issus de ces foyers violents. accouchés a même les cris d’une bouche, des bébés rouge baies écrasées qui tombent sur des balances et qu’on oublie dans des placards à côté des pots de confiture. accouchés a même le silence de toutes les autres bouches."Conclusion du livre :

"T3M : traumatic memory mapping model. T3M est un dispositif science-fictionnel utopique qui permettrait à touxes de cartographier la violence systémique qui nous construit et de soigner ses conséquences sur nos corps. si un tel dispositif existait, il serait certainement récupéré par les structures — capitalistes, hétéropatriarcales et néocoloniales — pour leur permettre de continuer & exercer leur violence tout en offrant la possibilité d’en guérir. ce dispositif n'existe pas, mais certaines thérapies, quand elles ne sont pas elles-mêmes des outils de perpétuation de ladite violence, peuvent aujourd’hui jouer le même rôle. cartographier sa mémoire traumatique est essentiel non pas pour se développer personnellement mais pour comprendre Ia violence, la combattre à la racine et collectivement la détruire."
2025-06-17

#Poésie du soir, issue du recueil "Derniers poèmes" d'Ursula K. Le Guin (traduction par Aurélie Thiria-Meulemans).

"La pierre du rêve" (The dream stone en VO)

En quête du savoir que je sais seulement avoir perdu,
je prends l'intangible dans ma main
pour payer le prix qui surpasse tout coût.
C'est une pierre grise posée au creux de ma main.
Sa substance est régulière, on s’y enfonce comme dans une brume,
en elle se meut un feu, compact et calme,
comme en une opale nébuleuse ou sur la gorge
rose et turquoise d’un colibri. Ces douces flammes colorées parlent avec leur mouvement, sans mot ni son,
et me disent ce que j’ai su et perdu.
Par la grâce du souvenir, je comprends
que je suis libre, que je suis enfin de retour.
à mon réveil, je constate que j'ai payé le prix.
À mon réveil, ma main est vide.

(Version originale en photo ci-dessous)

#Poétesse #Poetry

THE DREAM STONE 

Seeking the knowledge I only know I lost, 
I take the intangible into my hand 
to pay the price of what is past all cost. 
It is a grey stone lying on my palm. 
Its even substance deepens to a mist 
and in it moves a fire, contained and calm, 
as in a cloudy opal or a hummingbird’s 
rose-turquoise breast, These soft, colored flames 
speak in their motion without sound or words, 
to tell me what it was I knew and Iost. 
By this remembrance blest, I understand 
that I am free, and have come home at last. 
I wake to find that I have paid the cost. 
I wake to look into my empty hand.LA PIERRE DU RÊVE 

En quête du savoir que je sais seulement avoir perdu,
je prends l'intangible dans ma main 
pour payer le prix qui surpasse tout coût. 
C'est une pierre grise posée au creux de ma main. 
Sa substance est régulière, on s’y enfonce comme dans une brume, 
en elle se meut un feu, compact et calme, 
comme en une opale nébuleuse ou sur la gorge 
rose et turquoise d’un colibri. Ces douces flammes colorées parlent avec leur mouvement, sans mot ni son, 
et me disent ce que j’ai su et perdu. 
Par la grâce du souvenir, je comprends 
que je suis libre, que je suis enfin de retour.
à mon réveil, je constate que j'ai payé le prix.
À mon réveil, ma main est vide.
2025-06-04

En déplacement aujourd'hui, ce qui m'a permis de commencer la journée avec des podcasts, et notamment l'émission que le Book Club consacrait hier à Audre Lorde et à son recueil "Une merveilleuse arithmétique de la distance". Avec deux invitées, Sandrine Montin et Mélissa Laveaux, qui signe une des préfaces de l'ouvrage. Cela permet à l'émission d'insister sur la manière dont l'oeuvre d'Audre Lorde peut résonner.

"Le dernier chant d'Audre Lorde" : radiofrance.fr/franceculture/p

#ConseilPodcast #Poésie #Poétesse

2025-05-25

Dimanche #Poésie, écho direct aux échanges épistolaires de "Sister Love", avec le recueil "Une merveilleuse arithmétique de la distance. Poèmes 1987-1992", d'Audre Lorde. Un recueil notamment dédié à Pat Parker, "poétesse et compagne d'armes".

La prose d'Audre Lorde me touche toujours autant. Elle est ici proposée dans une édition bilingue avec une traduction de Providence Garçon et Noémie Grunenwald.

Thaw / Le dégel (VO en photo)

Le langage des saisons passées
s'effondre citrouilles au printemps
les fausses contractions glissent comme la boue
de la surface du soulagement
et tout ce vers quoi je me tourne
pâlit au soleil.

Nous serons toujours là pour répondre à ton appel
m'ont dit les vieilles sorcières
c'est ce qu'elles ont toujours dit elles disaient toujours
autre chose en même temps
tu es piégée dans ton sommeil
tu es sans voix
peut-être seras-tu aussi
brisée.

Marche doucement tout autour de nous
les mots s'effritent
s'écroulent comme on s'efface ou s'endort
séparées et syllabiques
si seulement nous survivons.

#MastoLivre #Poétesse #Poème

Couverture d'Une merveilleuse arithmétique de la distance (Poèmes 1987-1992), d'Audre Lorde. Publié chez Gallimard.

Illustration de couleur jaune avec des motifs floraux aux lignes rouges.To My Sister 
Pat Parker, 
poet and Comrade-in-Arms In Memoriam 

and to my blood sisters 
Mavis Jones 
Marjorie Jones 
Phyllis Blackwell 
Helen LordeTHAW

The language of past seasons
collapses       pumpkins in spring
false labor slides like mud
off the face of ease
and whatever I turn my hand to
pales in the sun.

We will always be there to your call
the old witches said
always said       always saying
something else       at the same time
you are trapped       asleep
you are speechless
perhaps       you will also be
broken

Step lightly       all around us
words are cracking
off       we drift
separate and syllabic
if we survive at all.LE DÉGEL

Le langage des saisons passées
s'effondre       citrouilles au printemps
les fausses contractions glissent comme la boue
de la surface du soulagement
et tout ce vers quoi je me tourne
pâlit au soleil.

Nous serons toujours là pour répondre à ton appel
m'ont dit les vieilles sorcières
c'est ce qu'elles ont toujours dit       elles disaient toujours
autre chose       en même temps
tu es piégée       dans ton sommeil
tu es sans voix
peut-être       seras-tu aussi
brisée.

Marche doucement       tout autour de nous
les mots s'effritent
s'écroulent       comme on s'efface ou s'endort
séparées et syllabiques
si seulement nous survivons.
2025-05-23

Le clip "Lamia" d'Abyr est sorti aujourd'hui ! 🎊🤩⭐

👉 youtu.be/5KxZNNuE3XI

Les dessins sont de IOM 🤩

Vous aimeriez voir davantage de clips d'Abyr ? Vous pouvez contribuer à son prochain album sur Ulule !

👉 fr.ulule.com/abyr-premier-albu

A très vite !!! 🎸🍀🎶

Sebka

2025-05-21

Il y a 3 ans sortait le 1er single et le 1er clip d'Abyr "Boîte à bijoux" :

youtu.be/IIzfWo7fg_Q

Que de chemin (aux sens propre et figuré 🌍) depuis !!! Il en reste d'ailleurs un petit morceau pour combler les 5 % qui manquent sur son Ulule, car oui, Abyr prépare un album, on a hâte de vous le faire entendre ! 🤩

Pour soutenir le 1er album d'Abyr, voici le lien 👇

fr.ulule.com/abyr-premier-albu

A très vite !!! 🎸🍀🎶

Sebka

CotCotCot éditionscotcotcot_ed
2025-05-14

Joie de tenir en main la version en néerlandais du carnet <À hauteur d'enfant> de Lisette Lombé, Almudena Pano et Elisa Sartori (alias 10eme ARTE) !
Merci à Katelijne De Vuyst pour son épatante traduction, à Dave Van Robays de Poëziecentrum d'avoir réalisé un de nos rêves les plus fous.

Client Info

Server: https://mastodon.social
Version: 2025.07
Repository: https://github.com/cyevgeniy/lmst