Les enveloppes coquelicots et les grains de sable
Je me suis retrouvĂ© cette semaine avec une hĂ©sitation sur le contenu de cette lettre dominicale. Jâavais, de prime abord, envisagĂ© le dĂ©veloppement de lâun des sujets suivants :
. Le commerce des hommes ou la misanthropie naturelle du genre humain contrarié.
. Lâadministration française.
. Est-ce que toutes les vies se valent ?
. Lâhumanisme du lĂ©gislateur est-il un danger pour la dĂ©mocratie ?
. Les aphorismes du memento mori.
. La sociĂ©tĂ© de la surveillance et de lâauto surveillance.
. La connaissance est-elle une nĂ©cessitĂ© du dĂ©veloppement ontologique de lâhumanitĂ© ?
. Lâataraxie dâĂpicure
Et puis, jâai eu une semaine chargĂ©e dâoccupations professionnelles et personnelles, avec une envie folle de lire davantage et de rĂ©cupĂ©rer un peu de sommeil en ce quâil sâĂ©vade souvent quelque part sans moi.
Bref, je nâai prĂ©parĂ© aucun de ces sujetsâŠ
Jâavais choisi comme sujet dominical, ma bibliothĂšque personnelle que jâenvisage de transformer en fond littĂ©raire dans le but de fonder une bibliothĂšque associative, mais je lâai laissĂ© en chantier pour en commencer un nouveau sur la France en guerre depuis le XXe siĂšcle, mais je lâai laissĂ© en chantier pour en commencer un nouveau, concernant lâabandon des lettres coquelicots depuis plusieurs mois, mais je lâai laissĂ© en chantier, car jâen ai retrouvĂ© un autre plus ancien qui est, lui aussi, encore en chantier et concerne la vie et le travail.
A ce rythme, je vais finir par me reconvertir comme chef de chantier dans les travaux publics, mais jâai des obligations quotidiennes professionnelles et comptables Ă assurer pour la MĂ©tropole de Lyon, des engagements hebdomadaires bĂ©nĂ©voles Ă assurer dans des associations, des livres Ă lire et un fond littĂ©raire Ă dĂ©velopper pour ma future bibliothĂšque associative qui doit ouvrir au cours de lâannĂ©e 2026. Et parfois, jâose imaginer que je mĂšnerai une vie agrĂ©able en consacrant lâintĂ©gralitĂ© de mes journĂ©es aux Ćuvres de lâesprit, et durant ce temps que je passe Ă rĂȘvasser, le temps mâĂ©chappe de nouveau, le Dominical Day se rapproche et lâangoisse de lâinachevĂ© me rattrape parfois jusquâĂ me frĂŽler.
Le sujet dominical que jâai finalement dĂ©cidĂ© de traiter ne lâa pas Ă©tĂ© en tirant au sort Ă la maniĂšre de :
Am stram gram,
Pic et pic et colegram,
Bour et bour et ratatam,
Am stram gramâŠ
Et pas davantage avec la formule : plouf-plouf.
Cette courte introduction rĂ©sume assez bien ce que peut ĂȘtre une vie dâautiste qui veut embrasser le monde dâun seul regard et qui ne porte quâune brĂšve attention aux multiples paysages pour finalement sâattacher Ă tout ce qui se dĂ©roule en chaque lieux du monde de maniĂšre Ă©phĂ©mĂšre. Mais parce que le temps qui mâest imparti est inexorablement toujours le mĂȘme, nous allons, toi et moi, parcourir le sujet des enveloppes coquelicots dont lâabandon dĂ©finitif de la dispersion ne se rĂ©alisera pas.
Ainsi, la lettre du 4 mai 2025 nâa pas Ă©tĂ© essaimĂ©e dans les trains comme les prĂ©cĂ©dentes en ce que mon fournisseur dâenveloppes coquelicots avait dĂ©cidĂ© que ma livraison serait retardĂ©e de plusieurs semaines. Plus dâenveloppes rouges, plus de dissĂ©mination⊠QuâĂ cela ne tienne, il Ă©tait prĂ©vu une rencontre que je ne soupçonnais pas encore et qui se dĂ©roulerait sans le concours de ces enveloppes coquelicots⊠CâĂ©tait le 8 mai, soit 4 jours plus tard. Lorsque ma boite aux lettres sâest remplie de mon colis contenant mon nouveau stock dâenveloppes coquelicots, la dispersion de ces mĂȘmes enveloppes ne sâavĂ©rait plus nĂ©cessaire pour provoquer une rencontre avec une Minerve en ce que jâĂ©tais dĂ©sormais en lien avec elle. Ătait-ce pour autant une justification acceptable pour en abandonner la dissĂ©mination ? La rĂ©ponse se trouve dans le sens de cette interrogation et pourtant, câest prĂ©cisĂ©ment ce qui sâest dĂ©roulĂ© durant prĂšs de 194 jours. Plus de 6 mois durant lesquels un rouage essentiel sâest interrompu en ce que je vivais mon utopie sans me prĂ©occuper de ce que la troisiĂšme voie que jâavais conçue risquait Ă tout moment de se briser en de multiples fragments.
Une utopie ne souffre pourtant jamais dâapproximation, dâabsence de volontĂ© et dâincomplĂ©tion, sauf Ă accepter quâelle puisse se fragiliser irrĂ©mĂ©diablement jusquâĂ se fracturer dĂ©finitivement pour nâavoir jamais existĂ©. Pour ma dĂ©fense, il me serait loisible dâargumenter en ce que la version numĂ©rique sâest inlassablement poursuivie et sans interruption, mais cet argument est-il de rĂ©elle valeur alors que cette troisiĂšme voie doit prĂ©cisĂ©ment ĂȘtre une perpĂ©tuelle Ă©volution, un dĂ©veloppement continu de la double utopie originellement ainsi conçue. Lui en ĂŽter une partie revenait tout de mĂȘme Ă la fragiliser et en ayant pleinement conscience de ce risque majeur, je me suis montrĂ© nĂ©gligeant en abandonnant plus dâenveloppes nulle part. Le 4 novembre dernier, je me suis de nouveau attelĂ© Ă cette tĂąche en dĂ©laissant dĂ©sormais les wagons de trains et ses voyageurs au profit de lâespace urbain. Une reprise qui sâest effectuĂ©e par la lettre du 4 mai 2025 ainsi que les suivantes⊠En quelques exemplaires Ă chaque fois.
Concernant la mĂ©thodologie, elle se trouve ĂȘtre dâune grande simplicitĂ©, quoi que toujours dâune infinie discrĂ©tion en ce quâune enveloppe coquelicot se doit toujours dâĂȘtre une Ă©nigme lorsquâelle est dĂ©couverte.
Une lettre numĂ©rique et physique impacte la personne qui sâen empare de façon radicalement diffĂ©rente tant lâapprĂ©hension de cette derniĂšre est symbolique. Tandis quâun Ă©cran permet de prendre de la distance et dâoublier en quelques instants un contenu littĂ©raire pour passer Ă une vidĂ©o de chien qui pĂšte sur Tik Tok ou Ă un tutoriel pour fabriquer un tournevis en dĂ©coupant une cuillĂšre Ă la lime Ă ongles, une lettre physique contient un contenu entourĂ© dâune forme de mysticisme. On dĂ©couvre au premier abord une enveloppe coquelicot avec une inscription â la mĂȘme depuis la toute premiĂšre lettre, on sâarrĂȘte, on sâen saisit, on lâobserve comme un objet inconnu, on jette un coup dâĆil autour de soi afin de sâassurer dâĂȘtre seul et non la victime dâun canular, on lâouvre prĂ©cautionneusement, les feuillets sont dĂ©licatement glissĂ©s hors de lâenveloppe, on dĂ©plie les documents et lâaventure commenceâŠ
Quel est ce contenu si particulier et qui peut avoir eu lâidĂ©e de dĂ©poser cette lettre en cet endroit prĂ©cis ? Que signifie ce message et Ă qui sâadresse-t-il ? Quelle est la symbolique derriĂšre cette pratique et oĂč va me mener ce QR CODE qui se trouve imprimĂ© sur la derniĂšre page ? Suis-je en train dâĂȘtre observĂ© en cet instant de ma dĂ©couverte ?
Cette pratique est tellement incongrue dans un monde devenu numĂ©rique, dans une ville impersonnelle telle que peut lâĂȘtre une citĂ© de plusieurs centaines de milliers dâĂąmes, et pourtant, câest un rouage essentiel de la troisiĂšme voie dont lâarticle prĂ©cĂ©dent lâexplicite.
Une progression vers un accomplissement intellectuel ne peut se rĂ©aliser que dans lâimpermanence et il convient donc de ne pas sâenfermer dans lâendogamie avec une incarnation quelle que soit sa nature, car lâautophagie surviendrait naturellement provoquant une atrophie et Ă terme une dĂ©gĂ©nĂ©rescence menant Ă la normalitĂ© de lâanormalitĂ© du plus grand nombre. Chaque lettre est ainsi un nouveau grain de sable dans un dĂ©sert, invisible et pourtant essentiel Ă lâexistence de ce dernier. Une lettre individuelle ne reprĂ©sente quâune somme de quelques mots, tout au plus quelques minutes de lecture, trĂšs probablement une perte de temps pour 99% des personnes qui auront la curiositĂ© de se rendre sur la plateforme numĂ©rique attenante, mais quâimporte, car il ne sâagit que de ne retenir lâattention dâune infinitĂ©simale fraction de ces quelques personnes qui trouveront une enveloppe rouge.
Tout comme une rencontre avec lâincarnation de Minerve est irrĂ©mĂ©diablement vouĂ©e Ă ĂȘtre une quĂȘte qui peut sâĂ©tirer sur la totalitĂ© dâune vie sans garantie de rĂ©alisation, la dispersion des lettres coquelicots peut ne rencontrer sa destinataire quâau terme de plusieurs dizaines dâannĂ©es, sinon manquer son but dĂ©finitivement. Il ne sâagit pas dâĂȘtre convaincu de parvenir Ă atteindre son objectif, mais de le dĂ©passer philosophiquement. Une lettre dispersĂ©e ainsi au grĂ© de mes pas peut ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ©e demain et ĂȘtre conservĂ©e durant plusieurs annĂ©es avant dâĂȘtre redĂ©couverte dans un carton, dâaccord un grenier, glissĂ©e dans un livre. Elle peut ne sâapprocher de sa finalitĂ© que lorsque lâĂ©volution sera atteinte par la personne qui lâaura ainsi conservĂ©e malgrĂ© elle en lâayant oubliĂ© derriĂšre une porte. Et combien seront jetĂ©es dans des poubelles, froissĂ©es, dĂ©chirĂ©es ? Quâimporte⊠Une rĂ©sonance nâest toujours quâexceptionnelle et elle doit le rester pour conserver sa valeur. Ainsi, la dissĂ©mination a repris son cours, non pas dans le fol espoir dâune rencontre avec une autre incarnation, mais afin dâĂȘtre dans la poursuivance de la troisiĂšme voie.
Mâastreindre Ă Ă©crire quotidiennement pour complĂ©ter une lettre dominicale est parfois Ă©puisant en ce que lâintellect a Ă©galement besoin de repos pour ĂȘtre performant, mais nĂ©cessaire afin de progresser davantage. Le juste milieu pour un autiste se trouve toujours dans un excĂšs et frĂ©quemment Ă lâextrĂȘme de celui-ci.
En ce jour, les enveloppes rouges contenant leurs homologues numĂ©riques datĂ©es du 4 mai au 21 septembre ont Ă©tĂ© de nouveau semĂ©es. Je ne suis pas dans lâattente dâune future moisson de rĂ©ponses, car aucune nâest attendue, bien que la possibilitĂ© en soit offerte. Il sâagit uniquement dâallumer une chandelle quelque part afin quâune personne puisse sâextirper de sa torpeur, sinon se souvenir quâelle sâest engagĂ©e, depuis de longues annĂ©es, sur un chemin qui ne devait ĂȘtre que provisoire, en ce que sa vie devait ĂȘtre la somme de ses espoirs, de ses rĂȘves, sinon davantage. Je me plais Ă penser que chacun ne possĂšde que le quotidien, que la vie quâil mĂ©rite. La libertĂ© ne nous est pas offerte de nous rĂ©aliser intellectuellement Ă notre naissance, elle nous est immanente et ce sont nos choix individuels qui nous emportent sur tel ocĂ©an ou vers tel prĂ©cipice. Chacun nâest victime que de lui-mĂȘme et ne peut blĂąmer autrui de ses Ă©checs, de son sort, de sa vie, mĂȘme si lâair du temps propage des idĂ©es opposĂ©es. Nous possĂ©dons tous une cage sans barreau et il revient Ă chacun de ne pas se croire enfermĂ© en celle-ci avec des gardiens qui veilleraient Ă lâextĂ©rieur pour nous contraindre Ă rester Ă lâintĂ©rieur. Mon utopie ne mâa pas Ă©tĂ© offerte ou accordĂ©e par quiconque et je nâai pas davantage patienter dâavoir lâautorisation de la concevoir. Jâai construit ma vie, mon bonheur tout au long de ma vie, en faisant des choix, parfois heureux, parfois maladroits et dĂ©sastreux, et je ne suis Ă ce jour que la somme de tout cela. Je vis sans regret et sans remords, car jâai une vie Ă vivre et que je ne peux vivre quâune vie Ă la fois en attendant la prochaine.
Ces enveloppes coquelicots sont la somme dâune Ă©quation complexe de plus de cinq dĂ©cennies de choix et chacun est libre de poursuivre son existence comme un coureur de fond qui sâĂ©chine aprĂšs son avenir sans jamais pouvoir le rattraper, comme un sprinter qui sâĂ©puisera aprĂšs un intense effort pour sâabandonner Ă la paresse, sinon comme une victime autoproclamĂ©e dont le bourreau ne sera autre quâelle-mĂȘme. Le regard des autres existera toujours et le prendre en compte, câest confier son bonheur Ă des inconnus. Et frĂ©quemment, le regard des autres, câest notre propre regard Ă lâĂ©gard de nous-mĂȘme dont il conviendrait de sâen dĂ©tourner pour nâĂȘtre que dans la rĂ©alisation plutĂŽt que dans lâobservation.
On ne se connait pas, on ne se rencontrera sans doute jamais, mais cette enveloppe coquelicot que tu vas trouver plus tard, en cet instant et que tu viens de dĂ©couvrir en cet autre instant de lâĂ©ternitĂ© en ce que son homologue numĂ©rique existe dans un flux immatĂ©riel depuis quelques jours pour le lecteur immĂ©diat et depuis plusieurs semaines pour toi, cette enveloppe disais-je, ne la froisse pas immĂ©diatement et conserve-lĂ quelques jours, sinon quelques semaines dans un carton derriĂšre une porte. Il se pourrait que tu en viennes Ă oublier son existence et que tu la redĂ©couvres par un heureux hasard dans quelques annĂ©es et qui sait si ce nâest pas ce dont tu auras besoin pour effectuer un choix que tu avais abandonnĂ© alors quâil Ă©tait pour toi une utopie Ă rĂ©aliser. Si toutefois, tu croises une corbeille Ă papier et que tu aimes Ă tâimaginer que lĂ est sa place, je te souhaite de vivre la vie que tu aspires sans prendre en compte, le regard des autres, car câest Ă des inconnus que tu confieras ton bonheur.
Une autre solution existe. Remettre les feuillets dans lâenveloppe, la refermer et la redĂ©poser quelque part pour quâune autre personne puisse sâen emparerâŠ
Jâavais envisagĂ© de scripter encore un peu, mais le temps me manque, mes livres me manquent, le sommeil Ă©galement⊠Pas de temps Ă perdre et impossible de gagner du temps.
Rendez-vous la semaine prochaineâŠ
Nouvelle lettre de ma tante Jeanne
03 avril 1975
La paresse intellectuelle
Mon Cher Nicolas,
Bien que tu sois encore un trĂšs jeune enfant, il ne sera jamais trop tĂŽt pour que je te prodigue des conseils, mes rĂ©flexions, ainsi quâun enseignement basĂ© sur la libertĂ©, le bonheur, la vie en sociĂ©tĂ© et de multiples sujets, qui, sâils sont trop complexes Ă intĂ©grer cĂ©rĂ©bralement aujourdâhui pour ta maturitĂ© naissante te seront dâune grande utilitĂ© plus tard.
Toutefois, ne te sens jamais lâobligation de les suivre, car je te souhaite libre de tracer ton propre chemin en raison que, ne vouloir dĂ©fricher de nouvelles contrĂ©es cĂ©rĂ©brales par paresse intellectuelle serait une injure Ă tes ancĂȘtres, et en particulier Ă ceux qui ont conçu un navire dont je te donnerai des indices rĂ©guliĂšrement au fil de ton enfance afin que tu puisses le trouver Ă lâĂąge adulte et en avoir la charge durant le reste de ta courte vie au regard de lâĂąge du monde dont je nâai de doute quâil est Ă©galement le tien.
Tante Jeanne
Une lettre ne devant plus se refermer sans le passage de mes livres lus au cours de la semaine.
Au nom de la race
Marc HILLEL
Ădition Fayard
DépÎt légal : 1er trimestre 1975
Page 270
Les sources principales, auxquelles nous avons eu recours pour la préparation de cet ouvrage, ne figurent que trÚs rarement dans les bibliographies, désormais classiques, qui accompagnent les études consacrées à la SS.
La recherche, hors des sentiers battus de lâhistoire de la Seconde Guerre mondiale, nous aura permis de dĂ©couvrir un nombre apprĂ©ciable de documents non publiĂ©s, souvent inĂ©dits. Cette source inestimable de renseignements constitue donc lâessentiel des matĂ©riaux relatifs Ă lâOrganisation SS des Lebensborn et ses autres activitĂ©s, en Allemagne comme dans le reste de lâEurope occupĂ©e.
Lu et déposé dans un tiroir de mon bureau le 20 novembre 2025
Une lettre ne devant plus se refermer sans une citation personnelle qui vaut parfois mille mots.
Ătre une fille Ă chat et sentir la croquette, nâest pas trĂšs glorieux ; pour un garçon, câest pire. Mais le chat, lui, il sâen fout.
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