Des sentiers qui se referment.
(bois de Martinanches, 22 juillet 2024)
On dit qu'ils "se referment" parce qu'on perd en quelque sorte et littéralement leurs traces. En vérité, c'est seulement la végétation qui reprend ses aises, et, ce faisant, les promeneurs humains qui évitent le passage. Il a beaucoup plus cette année, et toutes ces plantes s'en donnent à cœur joie. Rarement vu autant de papillons - ravissant de voir Iris galopant gaiement dans ces hautes herbes et les papillons qui volettent tout autour d'elle.
Le sentier se referme aux humains - à la plupart d'entre eux du moins, car, moi, ça me va très bien comme ça. Mais on voit tout de même quelques fougères penchées là où les sangliers et les chevreuils passent. Alors je fais comme Irgichi, le chasseur Evenki dans la Taïga : à l'aide d'un bâton (une solide branche de noisetier), je me fraie un passage discret (le couvert végétal aura tôt fait de se redresser derrière moi).
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J'aime bien cette idée d'un sentier qui se referme (et ce sera bientôt vrai du chemin large qui court le long du ruisseau - surtout que des arbres sont tombés en travers). Il existe beaucoup d'endroits qui sont devenus parfaitement inaccessibles aux humains (à moins d'entreprendre de les défricher). Qui furent autrefois habités comme en témoignent, envahis par les ronces ou couverts d'orties, les ruines d'un ancien moulin, les murets de pierre sèche qui délimitaient le pré où paissaient les brebis, une piste caillouteuse dont on devine encore les méandres.
Ce n'est pas tant que "la nature reprenne ses droits" (expression qui ne signifie pas grand chose), mais plutôt que ceux des humains qui vécurent là s'en sont allés. Que plus personne n'y passe exceptés les animaux - et de rares explorateurs qui trouveront ici plus de solitude qu'au sommet de l'Everest. Les chasseurs se font vieux et ne s'aventurent plus dans ces écarts engorgés. Les cueilleurs de champignon préfèrent des forêts plus accueillantes. Et les propriétaires, s'il en est, ont oublié leurs propriétés (c'est le cas sur certains massifs escarpés, comme en Margeride, m'avait confié un vieil homme qui traînaient encore dans le coin : "les héritiers, ils ne savent même pas où se trouve la forêt qui leur appartient").
Ça se déshumanise, ou se désanthropise. Logique que les loups, par exemple, s'y installent tout à leur aise. Que les cervidés y trouvent refuge en période de chasse. Dans les campagnes les plus isolées, surtout en milieu semi-montagnard, dans les pays qui n'attirent guère les touristes, ces petits morceaux de paradis foisonnants ne sont pas rares.
#Sentiers