Très vite, je me suis lassé de moi. Il n'y avait pas grand chose à espérer de ce côté-là, m'a-t-il semblé. Alors j'ai essayé de devenir quelqu'un d'autre. On ne peut pas dire que j'ai échoué. Je suis devenu au fil de mon existence des tas d'autres, qui, parfois, s'avéraient tellement différents les uns des autres, que j'ai cru me perdre moi-même. De fait, je me suis perdu bien des fois. Le drame, pourtant, c'est qu'à chaque fois que je devenais quelqu'un d'autre, cet autre finissait tout de même, irrésistiblement, par me ressembler, si bien qu'au final, j'étais amené à penser que cet autre que j'étais devenu était bel et bien moi.
(je réfléchis en ce moment à la distinction entre l'aliénation "subie" - constitutive pour ainsi dire de nos aventures sociales, et l'aliénation choisie, ou délibérée. Pas sûr que ça mène très loin 😅
(je cite rarement Lacan, mais là bon, d'accord, c'est tout de même une leçon que j'ai retenu de lui :
« Ce qui correspond au moi, c’est ce que j’appelle parfois la somme des préjugés que comporte tout savoir, et que traîne chacun de nous, individuellement. Il s’agit de quelque chose qui inclut ce que nous savons ou croyons savoir – car savoir est toujours par quelque côté croire savoir. »
Ou bien :
« Freud écrit que le moi est fait de la succession de ses identifications avec les objets aimés qui lui ont permis de prendre sa forme. Le moi, c’est un objet fait comme un oignon, on pourrait le peler, et on trouverait les identifications successives qui l’ont constitué. »
Ou encore :
« Le retour au moi comme centre et commune mesure n'est pas du tout impliqué dans le discours de Freud. Il y est même contraire – plus son discours s’avance…et plus il nous montre le moi comme un mirage, une somme d’identifications. »
On doit trouver ça dans le séminaire sur la lettre volée et celui intitulé : "Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse" - à cette époque, ça va, c'est encore intelligible - ça se gâtera ensuite.
#moi