La Critique sociale chez Franquin. L’exemple de Gaston Lagaffe
Première parution : Stéphane François, « La critique sociale chez Franquin. L’exemple de Gaston Lagaffe« , Emmanuel Cherrier, Pierre-Alexis Delhaye, Serge Deruette et Stéphane François, Neuvième art, pouvoirs et politique, 2024, Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, pp. 213-224.
André Franquin (1924-1997) est connu pour être une figure importante de la bande dessinée franco-belge : Spirou et Fantasio, le Marsupilami, Gaston Lagaffe sont quelques-unes de ses réussites. Si ses Idées noires[1], parues en 1977, sont des critiques acerbes des travers de notre société à la fois hypermoderne et conservatrice, nous en trouvons d’autres, plus discrètes, dans l’ensemble de son œuvre. Ainsi, les dictatures militaires sont tournées en dérision dès 1954 dans Le dictateur et le champignon[2], une aventure de Spirou, de même que la publicité et le consumérisme lorsque Zorglub utilise son armée de zombies pour écrire un slogan publicitaire (à l’envers) sur la Lune (Z comme Zorglub)[3], toujours chez Spirou…
Ces critiques sont aussi très présentes dans la série des Gaston Lagaffe, créé en 1957[4], et dont la dernière planche éditée remonte à 1991[5], avec une nette teneur écologiste et, déjà, décroissante. Les « gaffes » de Gaston démontent par l’absurde la bureaucratie, sans pour autant être un émule de Cornélius Castoriadis[6], mais anticipant d’une certaine façon les constats de l’anthropologue anarchiste David Graeber[7]. N’oublions pas que Gaston est un garçon de bureau, plus précisément un employé de la rédaction, chargé de trier le courrier des lecteurs adressé au Journal de Spirou, fonction tertiaire qui se développe beaucoup dans la société de l’après-guerre. Gaston délaisse cette fonction, qu’il déteste (sa « principale corvée », selon lui), laissant le courrier s’accumuler pendant des semaines, voire des mois, devenant un immense tas, qu’il cherche à cacher. Cela permet à André Franquin de laisser libre cours à son humour poétique et absurde.
Nous proposons de les étudier ici[8] et de montrer que les futurs thèmes des Idées noires (l’écologie, le rejet de la chasse, le refus du consumérisme, la critique de l’institution militaire, etc.) sont déjà présents[9], certes de façon moins caustique et plus discrète, mais avec la même efficacité comique[10]. André Franquin profite de la liberté accordée par le personnage de Gaston, pour faire passer une critique sociale[11]. Tous les gags de Gaston (950 ![12]) ne sont pas de portée politique. Nous en avons sélectionné quelques-uns ici, parmi les plus représentatifs, tirés principalement des derniers albums.
La naissance de Gaston Lagaffe
Le personnage de Gaston apparaît dans le Journal de Spirou du 28 février 1957, en costume et nœud papillon, puis, deux semaines plus tard dans ce qui sera sa tenue : jean noir, pull-over vert et espadrilles. Ses débuts sont connus. Interrogé par Spirou, dans un dialogue mémorable, très surréaliste d’une certaine façon[13], Gaston a été recruté par une personne dont il ne se rappelle pas le nom, mais il demeure persuadé qu’il a été embauché pour un travail de héros de bande dessinée. Il est dans un premier temps un « héros sans emploi », bête et maladroit, gaffeur, avec parfois des réactions infantiles et un langage au vocabulaire limité[14]. Il boude d’ailleurs fréquemment dans les premiers volumes. Il deviendra rapidement un anti-héros sympathique, à la bonne humeur contagieuse[15], paresseux et gaffeur, inscrit dans la contre-culture[16].
La psychologie de Gaston évolue et se complexifie lorsque Franquin abandonne les personnages de Spirou et Fantasio. En effet, il éprouve de plus en plus de lassitude à animer Spirou, dont il n’est pas le créateur, et auquel il ne peut pas faire faire ce qu’il souhaite car le héros-groom appartient légalement aux éditions Dupuis, Jean Dupuis étant l’un des créateurs de Spirou[17]. Cela dit, l’aspect loufoque du monde de Franquin y est déjà présent avec le Marsupilami, animal curieux et gaffeur (voire un tantinet anarchiste), imaginé en 1952[18].
Gaston devient alors moins fainéant et plus intelligent, devenant un inventeur très créatif. La finalité de ces inventions est de faciliter son travail au bureau. De même, son environnement social s’enrichira : au fil des gags et des albums, nous voyons Gaston entourés d’amis, personnages secondaires, mais récurrents. Il s’agit de Jules-de-chez-Smith-en-face, Bertrand Labévue, Gustave, Manu, et son ami dessinateur Yves Lebrac, mais aussi de quelques ennemis : Aimé de Mesmaeker, l’industriel ou le brigadier-chef Longtarin.
Pour créer Gaston, il semblerait que Franquin se soit inspiré de la contre-culture, en particulier des beatniks – pour les premières planches-, et par les hippies -pour les dernières-. Nous retrouvons effectivement des similitudes avec la Beat Generation -voire les stéréotypes de la culture « beat » : le pacifisme, le refus de travailler, le non-conformisme ou l’excentricité, la vie de bohème ; ainsi que ses caractéristiques vestimentaires : abandon de la cravate, cheveux non peignés ou longs, béret (parfois), sandales (remplacées ici par les espadrilles), duffle-coat, blues jeans et cols roulés[19]. Tous ces éléments se retrouvent chez Gaston, mais cette référence reste superficielle : Franquin ne reprend aucun point de la culture politique « Beat », plutôt de droite : Burroughs était un conservateur, Kerouac un homophobe… En revanche, comme la Beat generation, Gaston aime passionnément la musique :
« Avant d’inventer le gaffophone, Gaston Lagaffe s’essaye à de nombreux instruments : guitare, trombone, bombardon, scie, violon tzigane, klaxophone, guitare émettrice, tuba basse, avec une certaine prédilection pour le rock, et le jazz, des musiques encore marginales, à l’orée des années 60, qui de préférence font du bruit et dérangent l’ordre établi »[20].
Dans les premières planches, nous le voyons aussi apprécier les prémisses du rock ainsi que les yéyés[21], l’ancêtre de la pop française[22]. Il s’agissait donc pour Franquin de créer un marginal sympathique, mais en phase avec son époque. Cependant, l’évolution hippie de Gaston Lagaffe semble plus profonde, plus sincère, moins superficielle, avec un discours construit. De même, les tenues des autres personnages (Lebrac, Mademoiselle Jeanne, etc.) de l’univers de Gaston évoluent de façon similaire[23], sans oublier l’importance donnée au graphisme et à l’esthétisme psychédélique[24], sans parler de la musique du même nom, avec le groupe Moon Module Mecs[25], fondé avec Jules et Bertrand Labévue.
L’âge d’or de la bande dessinée Gaston Lagaffe peut donc être borné chronologiquement entre 1965 et 1974. Depuis 1965, un album de Gaston sort chaque année, et cela jusqu’en 1974. L’album n°12, Le Gang des gaffeurs, paru en 1974, est le dernier à être publié de manière régulière. Par la suite, Franquin enchaîne différents projets, de plus en plus ouvertement contestataires, annonçant les Idées noires, publiées en 1977.
Cette période voit à la fois l’évolution psychologique du personnage qui s’étoffe, devenant un rêveur, et l’apparition de gags plus complexes. Elle correspond aussi au moment où Franquin abandonne son personnage principal, Spirou en 1967, pour se consacrer uniquement au « héros sans emploi », qui devient alors un « gaffeur professionnel ». Au contraire de Spirou, Franquin est totalement libre de faire évoluer Gaston et il s’enthousiasme pour ce personnage. Lorsqu’il cède la série Spirou et Fantasio à Fournier en 1969[26], en pleine agitation contre-culturelle, Fantasio cesse d’apparaître régulièrement dans les aventures de Gaston. Franquin ne souhaite pas que deux versions du même personnage par deux dessinateurs différents coexistent dans le journal de Spirou. Pour le remplacer, il met alors un personnage apparu depuis longtemps dans la série mais jusqu’ici confiné à un second rôle : Léon Prunelle.
La critique sociale de Franquin peut s’avérer très violente, y compris dans Gaston Lagaffe. Dans le gag 827[27], il n’hésite pas à dessiner un avion miniature allemand de la Seconde Guerre mondiale, monté par Gaston, qui bombarde le bureau de Prunelle, le rédacteur en chef du Journal de Spirou. À la fin du gag, Franquin, via la voix de Gaston, n’hésite pas à énoncer son message (à l’équipe de Spirou ? à la direction de Dupuis, aux lecteurs ? tous à la fois ?) : « Binquoi ?! Ceux qui fourrent ces bidules guerriers plein leurs illustrés, faut bien de temps en temps qu’on leur rappelle à quoi servent ces merveilles… ». En faisant cela, Franquin montre son hostilité vis-à-vis de la rubrique « Mister Kit » du Journal, consacrée aux maquettes, laquelle, sous la pression des lecteurs, présente le plus souvent des engins militaires allemands.
Derrière le hippie bon enfant, le dynamiteur des Trente Glorieuses
Comment Dupuis, un éditeur catholique, au discours plutôt conservateur, a pu laisser une telle marge de manœuvre au dessinateur ? Le journaliste Frédéric Potet nous donne une piste de réflexion : « Le brider l’aurait probablement poussé à aller exercer son talent ailleurs. Dupuis savait aussi que le dessinateur ne dépasserait jamais les bornes autorisées, à l’image de son mentor Yvan Delporte, un écolo anarchiste à la barbe fleurie qui dirigea la rédaction de l’hebdomadaire pendant douze ans.[28] »
Gaston Lagaffe s’inscrit parfaitement dans les Trente Glorieuses, avec une mélancolie grandissante dans les années 1970, en lien avec l’évolution de Franquin, son épuisement et la dépression qui en découle[29]. Si les premiers volumes insistent sur la maladresse et la bêtise de Gaston, les autres montre un personnage moins naïf et plus engagé, sabotant systématiquement les valeurs du travail en semant la pagaille dans la rédaction, mettant en avant un mode de vie décroissant[30] et faisant l’éloge de la lenteur[31], largement avant que ces conceptions de la société ne deviennent à la mode. Cet engagement n’est pas idéologique : il n’y a aucun discours politique explicite dans les différents volumes de Gaston Lagaffe, car il s’agit d’une publication pour enfants. Ces discours sont à chercher dans Les Idées noires, publiées initialement dans le Trombone illustré (un supplément de Spirou) puis dans Fluide glacial. Pour autant, quelques gags sont ouvertement politiques, mais ils se trouvent dans le dernier volume publié régulièrement, La saga des gaffes, 1982 : dans le 866[32], il participe à une manifestation contre les armements, et dans le 870[33] à une manifestation écologiste. Pour autant, Franquin rejette l’idée d’être un auteur politique[34]. Néanmoins, nous voyons en filigrane, et/ou de manière implicite, une critique du consumérisme, avec une ambiguïté certaine toutefois, Gaston étant parfois un consommateur compulsif (de produits alimentaires bon marché : des conserves de fruits au sirop, des sardines ou des saucisses, etc.) ; une critique virulente de la chasse ; de l’armée ; voire, plus généralement, de la vitesse (pensons à sa fiat antédiluvienne[35]), anticipant le mouvement « slow »[36]… En ce sens, Franquin est en phase avec son époque, qui voit la montée d’une contestation radicale des modèles dominants, tel le culte de la réussite et de la rentabilité, le conformisme social et le patriotisme. A contrario, de nouvelles valeurs émergent : le féminisme, le pacifisme ou l’écologie, visibles dans les dernières bandes dessinées de Gaston Lagaffe.
Le Centre Georges Pompidou ne s’y est pas trompé, en rendant hommage au gaffeur et à ses valeurs « doucement subversives » en 2016[37]. Indifférent au productivisme et à la l’économie -lui qui prend son temps dans une rédaction qui court[38]-, Gaston passe la plus grande partie de son temps à essayer d’éviter de travailler. D’une certaine façon, nous pouvons voir dans cette série un éloge de la paresse, pour paraphraser Paul Lafargue[39], Franquin y critiquant comme l’a fait remarquer le journaliste Frédéric Potet, l’amour absurde du travail[40]. L’universitaire Amaury Grimand y voit même une nouvelle forme de management[41].
En effet, si dans les premiers volumes Gaston est explicitement un fainéant, par la suite, on le voit actif. Il invente une foule de choses, très poétiques, mais sans possibilité d’applications concrètes. Pensons au gaffophone, à la tondeuse pour éviter de couper les pâquerettes[42] ou à la machine à fabriquer des avions en papier… Nous pourrions multiplier les exemples presque à l’infini. Bref, Gaston est très prolifique en ce qui concerne le bricolage, les inventions, la chimie, les innovations en tous genres, les objets détournés de leur usage normal… Dès 1982, Lewis Caillat a pu parler, à ce sujet, de « dispositifs d’antiproduction ou de production déviantes », soulignant son « énorme potentiel d’énergie improductive »[43]… De son côté, Bruno Latour le voit en « philosophe des techniques », pour reprendre le titre de l’un de ses textes[44]. En mars et avril 2018, la Cité des sciences et de l’industrie rend hommage à cette productivité et présente une exposition de sept inventions de Gaston Lagaffe[45].
Gaston n’est donc pas un fainéant sans qualité, mais plutôt une sorte d’innovateur autodidacte et farfelu, parfois génial[46], ne demandant qu’à contribuer à la société, alors que son employeur ne sait malheureusement pas l’utiliser. Ses inventions sont une preuve à la fois de sa créativité et de sa liberté : il ne restreint pas son imagination. Par ailleurs, celles-ci ne sont jamais dans le registre de la science ou de l’application concrète. Elles restent dans une logique poétique ou de farce, parfois même de nature dadaïste[47]. Elles relèvent d’un caractère enfantin, rêveur. Cette attitude s’affranchit ouvertement des normes et des contraintes productivistes, consommatrices, des Trente Glorieuses.
En ce sens, Gaston Lagaffe incarne bien l’esprit contestataire des années 1960, période faste pour le personnage. Il est rétif aux ordres et à l’autorité, mais d’une façon très intéressante : il ne les conteste pas, il n’y oppose pas frontalement. Simplement, il n’obéit pas et n’en fait qu’à sa tête, tournant en dérision les valeurs de hiérarchisation sociale de l’époque. Il rêve d’autre chose, s’évadant de la rédaction. Naufragé avec Mademoiselle Jeanne, échoué avec elle sur une île déserte paradisiaque, renouant avec l’idée du « bon sauvage » des utopistes du XVIIIe siècle[48], les deux se voient comme des « Robinsons de l’amour ». Malheureusement, Prunelle, cherchant les contrats ou amenant un sac de courrier en retard, le fait brutalement revenir à la réalité[49].
Les premiers volumes sont aussi, d’une certaine façon, pré-écologiques, Gaston étant proche de la nature et s’entourant d’animaux, plus ou moins sauvages et plus ou moins de compagnie : une mouette rieuse (au caractère épouvantable), un hérisson (Kissifrott), une souris grise (baptisée « Cheese »), des souris blanches, un poisson rouge (« Bubulle »), une tortue (« Achille ») et même des escargots, sans oublier évidemment le chat (dingue), inspiré de celui de Franquin… Au-delà de ce bestiaire récurrent, les animaux sont très présents dans les planches de Franquin, y compris les plus exotiques : éléphant, lion, perroquet, girafe, etc. Gaston est un garçon sensible, adorant les animaux et se portant régulièrement à leur secours. Il lui arrive ainsi de recueillir des chatons abandonnés ou de sauver un homard dans un restaurant, qui devait être ébouillanté. Comme Franquin, Gaston est un fervent défenseur de la cause animale, proche des écologistes[50]. Ainsi, le gag 839 met en scène la mouette de Gaston, qui réagit violemment à un reportage télévisé sur une marée noire[51].
L’intérêt de Franquin pour l’écologie se voit également autrement, en mobilisant, par exemple, le tacot, lent, de Gaston se faisant souffler par un coupé sportif[52], ou dans les noms de communes sur les panneaux d’autoroutes. En faisant attention, nous pouvons lire « Bétonville » ou « Moches-les-Grands-Clapiers »[53] ou d’autres noms farfelus, mais explicite quant aux idées du dessinateur sur l’essor des banlieues, dans certaines planches. Franquin évolue toujours aux marges du discours politique et de la critique sociale, sans jamais franchir la ligne blanche[54]. Malgré tout, et fort logiquement, Gaston, comme Franquin, déteste les chasseurs[55].
Comme le fait remarquer Erwin Dejasse,
« Très tôt, la fascination pour le progrès technologique exprime ses limites. Singulièrement quand ce “progrès” n’a d’autre but que la destruction de ses semblables. Dans son atelier, Franquin dessine en écoutant les chaines d’information françaises sur sa radio à ondes courtes. L’armée étasunienne est empêtrée dans le bourbier vietnamien et dans toutes les capitales du monde, on assiste à d’importantes manifestations contre ce conflit absurde. Jamais peut-être une guerre n’avait suscité pareil rejet. […] Dans le même temps, s’exprime dans la jeune génération une aspiration vers la liberté d’une intensité inédite. Demeuré à la marge de l’ébullition contre-culturelle, Franquin a toujours réfuté l’idée de véhiculer un quelconque message dans ses créations.[56] »
Le dessinateur le reconnait d’ailleurs sans peine : « Je ne suis pas un dessinateur “politique”, tu comprends ? J’ai mes opinions, elles sont plutôt à gauche, mais je ne les ai jamais étalées dans mes bandes dessinées. Ce n’est pas mon boulot…[57] » Néanmoins, il trouvait dans l’humour un moyen de dénoncer ce qui l’horripilait, des injustices du monde à la vacuité de l’existence…
Gaston ou Franquin ?
S’il n’y a pas officiellement de discours politique chez Franquin, celui-ci donne néanmoins souvent son avis/ses positions (par exemple dans certains volumes des aventures de Spirou, comme nous l’avons dit précédemment). Sa liberté avec Gaston lui permet de s’exprimer plus ouvertement. Franquin a d’ailleurs utilisé sa notoriété, et celle de Gaston, pour soutenir des causes, qu’il jugeait importantes : Amnesty International, Greenpeace… ou en créant un autocollant pour l’Unicef (« l’Unicef sauve vraiment des enfants », 1985).
Ainsi, en 1978, la section belge d’Amnesty International commande une affiche à Franquin, qui accepte. On y voit Gaston sommeiller comme à son habitude sur son bureau et cauchemarder qu’on le torture de différentes façons (selon des pratiques alors utilisées par les dictatures ou régimes totalitaires de l’époque[58]), avant de se faire envoyer dans un camp d’internement[59]. Franquin est moins sombre pour la campagne pour Greenpeace. Un équipage de baleinier est mis en échec dans le gag où Greenpeace engage Gaston pour éloigner les baleines à l’aide de son gaffophone[60], l’idée étant que les baleines ayant l’oreille musicale selon les militants de Greenpeace, elles fuiront devant les sons de l’instrument. Ce navire baleinier se retrouve plus loin dans le même album, cette fois-ci sur deux pages[61], Gaston le bombardant, oniriquement, à l’aide de projectiles dont la charge est composée d’une super-colle. Ce militantisme en faveur des baleines reflète l’opinion de Franquin, qui trouvait les baleines magnifiques et ne supportait pas qu’on les massacre. Greenpeace utilise Gaston pour mettre en lumière ses propres actions de sauvegarde. Il est d’ailleurs particulièrement intéressant de noter que Franquin mentionne explicitement Greenpeace, là où d’autres auraient choisi une association fictive.
Lors de la série de gags sur les parcmètres, nous voyons Gaston manifester avec ses amis pour empêcher l’agent Longtarin d’arracher le lierre qu’ils ont fait pousser sur une de ces machines, avec une banderole portant le slogan « Le lierre c’est comme l’amour : je meurs où je m’attache »[62]. Néanmoins, Gaston n’est pas un rural : si plusieurs gags le montrent à la campagne, notamment dans la ferme d’un agriculteur appelé Gustave, personnage récurrent de la bande dessinée, il est rétif aux travaux agricoles[63] et, profondément urbain, il cherche à améliorer la vie avec ses inventions[64].
Comme Franquin encore, Gaston déteste les représentants de l’État[65], ainsi que l’institution militaire, qu’il tourne systématiquement en dérision[66]. Dans le gag 891, paru en 1982, dans un contexte de tensions géopolitiques entre l’URSS de Leonid Brejnev et les États-Unis de Ronald Reagan, sur fond de crise des « euromissiles », c’est-à-dire du déploiement de missiles nucléaires en Europe (Pershing d’un côté, SS 20 de l’autre)[67], Gaston/Franquin est plus explicite. Dans un échange avec Prunelle, Gaston exprime sa pensée « Hé ! si tous les généraux et amiraux du monde, quelles que soient les couleurs ou les étoiles, avaient chacun un chat sur les genoux, hébin moi, je me sentirais vachement mieux, moi »[68]. Pour autant, André Franquin refuse d’être considéré comme un antimilitariste ou comme un anarchiste[69].
De fait, les idées politiques de Franquin se voient également dans la série de gags (plus d’une quinzaine) appelée génériquement la « guerre des parcmètres ». Ceux-ci venaient de faire leur apparition dans les villes afin de réguler le stationnement automobile. Ces gags apparaissent à la fin des années 1970[70], et donnent une nouvelle intensité aux sketchs avec l’agent Longtarin, bête noire de Gaston[71] (et réciproquement visiblement), Franquin va y « trouver à la fois un accessoire récurrent pour une série de gags et un symbole de sa haine de l’autorité et des uniformes »[72]. Surtout, Franquin avait en horreur les parcmètres. En effet, il ne supportait pas devoir payer pour se garer. Le journal Spirou le soutiendra. Son numéro 2169, du 8 novembre 1979, annonce la mobilisation générale, tandis que des autocollants « T’as payé pour rouler, maintenant paie pour t’arrêter… » sont offerts au lecteur. Le journal organise même un concours où les lecteurs sont invités à photographier des parcmètres déguisés en œufs de Pâques. Un parcmètre est promis en cadeau à l’auteur de la photo la plus drôle. La campagne anti-parcmètres dure jusqu’au numéro 2177. Entre les deux numéros, les couvertures de Spirou représentent un gag de Gaston aux prises avec ces appareils.
Jugé marginal par Charles Dupuis et par Franquin lui-même dès ses premiers pas[73], et il était assurément un marginal -un beatnik puis un hippie, Gaston a remis en question les notions même de hiérarchie, de contrainte, voire la société productiviste des Trente Glorieuses. Il le fit de manière très diffuse dans un premier temps et à compter du milieu des années 1960, d’une façon de plus en plus explicite. En 1968, alors que la jeunesse criait « Il est interdit d’interdire ! », Gaston continuait de résister aux militaires et aux patrons (M. de Mesmaeker et ses contrats jamais signés) ; dynamitant au passage les valeurs bourgeoises. Au point que les éditions Dupuis reçurent, quelques jours avant les émeutes parisiennes, un courrier des autorités leur demandant de contenir les élans libertaires et contestataires de Franquin[74].
Pour autant, Gaston n’est pas hors de la société. Nous sommes ici au cœur du paradoxe de l’attitude de Gaston : d’un côté, il remet en cause la société des Trente Glorieuses, dynamitant les valeurs du travail, promouvant un pacifisme et un antimilitarisme de plus en plus assumé ; de l’autre il passe son temps à chercher à améliorer sa fainéantise et, au-delà de son cas, la société. En effet, Gaston prône une autre société, structurée sur le loisir et la paresse. De fait, il apparaît comme un anarchiste très individualiste, sans pour autant sombrer dans un discours à la Stirner[75] ou cynique à la Corto Maltese – personnage de bande dessinée créé par l’Italien Hugo Pratt dont les lecteurs francophones prennent connaissance à la même époque (par ailleurs étudié par Thomas Richard dans le présent ouvrage). Gaston reste un rêveur pacifique et non-violent, un peu enfantin. C’est tout l’intérêt d’une étude de ce personnage devenu culte : il est à la fois hors et dans la société[76]. Il vit une modernité alternative, sans discours politique et sans imposer son point de vue. Il est devenu « le porte-parole d’une pensée anticonformiste qui frôle l’anarchie » selon le mot de Numa Sadoul[77].
Comme nous l’avons vu ici, derrière Gaston il y a André Franquin. L’un et l’autre ne faisaient plus qu’un depuis longtemps, et à mesure que le dessinateur s’horrifiait devant les scandales humanitaires et écologiques qui sévissaient dans les années 1970, Gaston hurlait sa colère, son besoin de paix et de rêve. Il devenait plus mélancolique, et surtout plus mature (plus adulte ?). Tandis que la société restait sourde à ses suppliques, Franquin se laissait aller à un pessimisme de plus en plus assumé, et Gaston devenait grave, de plus en plus grave. Les petits monstres de Franquin[78] devenaient des Idées noires, un ensemble de gags en noir et blanc, au questionnement existentiel et écologique, traitant de la mort et de la stupidité humaine. Idées Noires est assurément sa bande dessinée la plus intime et la plus torturée. Il suivait en cela l’évolution des sociétés occidentales. L’ère de l’insouciance était finie, celle de la crise commençait[79]. Mais cela est une autre histoire…
Notes
[1] André Franquin, Idées Noires, Paris, Fluide glacial, 1977.
[2] André Franquin, Le dictateur et le champignon, Charleroi, Dupuis, 1956. Publication initiale en 1954 dans le Journal de Spirou, avant d’être édité en album.
[3] André Franquin, Z comme Zorglub, Charleroi, Dupuis, 1961. Prépublication en feuilleton en 1960 dans le Journal de Spirou.
[4] 28 février 1957, Spirou, no 985. Première apparition de Gaston Lagaffe.
[5] 25 juin 1991, Spirou no 2776, dernière planche inédite de Gaston.
[6] Nicolas Poirier, « Quel projet politique contre la domination bureaucratique ? Castoriadis et Lefort à Socialisme ou Barbarie (1949-1958) », Revue du MAUSS, vol. 38, no2, 2011, pp. 185-196 ; Christophe Premat, « L’analyse du phénomène bureaucratique chez Castoriadis », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 1 | 2002, mis en ligne le 11 mai 2009, consulté le 13 octobre 2022. URL : http://journals.openedition.org/traces/4131.
[7] David Graeber, Bureaucratie (trad. fr. de The Utopia of Rules), Les liens qui libèrent, 2015.
[8] Pour ce texte, nous utilisons la collection complète et originale de Gaston, c’est-à-dire sans tenir compte des rééditions ou réorganisations postérieures, qui se compose de la façon suivante : 1/Les six albums de la première série, du no 0 au no 4 (1960-1967) ; 2/les albums nos 6 à 15 de la deuxième série (1968-1996) ; le tome 19 inédit, paru aux éditions Marsu Productions après le décès de Franquin. En outre, l’ordre de publication est chronologiquement illogique : 0, 2, 3, 4, 1, 5, 6, 7, 8, R1, 9, R2, 10, R3, 11, R4, 12, 13, 14, R0, R5, 15. Cela est dû à la non-réédition des premiers albums de la série, ces derniers étant publiés initialement au format à l’italienne. Cette politique éditoriale a amené la série à ne pas avoir de no 5 durant 20 ans, donnant ainsi naissance à la légende de l’album fantôme. En 1997, les planches sont triées chronologiquement et publiées dans 18 albums (plus un dix-neuvième sorti plus tard et inédit dans l’édition originale), devenant l’édition définitive. Du fait de ces différentes éditions et des nouveaux découpages qui en ont découlé, nous nous référerons aux numéros des gags et non à une référence paginale, qui change d’une édition à l’autre. Nous utiliserons également son livre d’entretien avec Numa Sadoul, Et Franquin créa la gaffe. Entretiens avec André Franquin, Schlirf books, 1986, réédité en novembre 2022 chez Glénat, avec un format différent.
[9] Il y a néanmoins un thème absent : l’anticléricalisme. Dupuis étant un éditeur catholique, il était impossible pour Franquin de l’exprimer chez Gaston. En revanche, il sera très présent dans les Idées noires.
[10] Si les idées politiques de Gaston n’ont été que peu étudiées, les ressorts comiques de cette bande dessinée ont été l’objet d’études universitaires. Nous pouvons citer, comme exemples : Richard Guez, Analyse sémiotique de bandes dessinées : de la construction du sens dans deux aventures de « Gaston Lagaffe », université de Toulouse 2, soutenue en 1992 ; Lahcen Hasbi, Les figures de style dans la sémiologie et comme source de comique dans la bande dessinée d’expression française (Gaston Lagaffe), université de Paris 5, 1995 ; Henri Garric, « L’engendrement du gag dans Gaston Lagaffe de Franquin », in Henri Garric (dir.), L’Engendrement des images en bande dessinée, Presses Universitaires François Rabelais, 2014, pp.43-54, 2014, etc.
[11] Le concept de « critique sociale » peut être défini comme l’acte de se rebeller, notamment d’un point de vue rhétorique, d’un individu ou d’un groupe social. Ces critiques portent sur les problèmes sociaux de la société contemporaine. Caroline Guibet Lafaye, « Les fondements de la critique sociale : normes alternatives et raisonnements hypothétiques », Metabasis, Mimesis edizioni, 2014, IX (n° 18), 16 p. ffhal-01070787
[12] L’article de Frédéric Potet, publié en 2016 dans Le Monde annonce un nombre de 950 gags. Frédéric Potet, « Gaston Lagaffe, icône antimilitariste, antiflics et écolo avant l’heure », Le Monde, 26 décembre 2016, https://www.lemonde.fr/m-moyen-format/article/2016/12/23/franquin-un-dessinateur-antimilitariste-antiflics-et-ecolo-avant-l-heure_5053494_4497271.html. Consulté le 09/10/2022.
[13] Le dialogue est reproduit dans le recueil R0, Gaffes et gadgets (Charleroi, Dupuis, 1985, p.3) :
« Qui êtes-vous ?
– Gaston.
– Qu’est-ce que vous faites ici ?
– J’attends.
– Vous attendez quoi ?
– J’sais pas… J’attends…
– Qui vous a envoyé ?
– On m’a dit de venir…
– Qui ?
– ’Sais plus…
– De venir pour faire quoi ?
– Pour travailler…
– Travailler comment ?
– ’Sais pas… On m’a engagé…
– Mais vous êtes bien sûr que c’est ici que vous devez venir ?
– Beuh… »
[14] Dominique Lafontaine, « Oh, Monsieur Gaston, comme vous parlez bien ! : une étude des variations sociolinguistiques dans Gaston Lagaffe », Enjeux : Revue de Formation Continuée et de Didactique du Français, vol. 5, pp. 27-36.
[15] Cf., Jean-François Marmion, Psycho pop. Une plongée déconnante dans la psychologie des héros et anti-héros, Bruxelles, De Boek supérieur, 2022.
[16] Sur la contre-culture, cf., Christiane Saint-Jean-Paulin, La Contre-culture. États-Unis, années 60 : naissances de nouvelles utopies, Paris, Autrement, 2008 ; Frédéric Robert, Révoltes et utopies : la contre-culture américaine dans les années 1960, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
[17] Spirou a été inventé en 1938 par Jean Dupuis, Rob-Vel (pseudonyme de Robert Pierre Velter) et Blanche Dumoulin.
[18] Le marsupilami apparait donc en 1952 dans Les héritiers (Charleroi, Dupuis), une aventure de Spirou et Fantasio.
[19] Alain Dister, La Beat Generation, La révolution hallucinée, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 1997 ; William Lawlor, Beat culture : lifestyles, icons, and impact, ABC-CLIO, 2005.
[20] Nicolas Rouvière, « Trois figures antimusicales de la BD franco-belge : la Castafiore, Gaston Lagaffe et Assurancetourix », Recherches & Travaux, n°78, 2011, pp.195-212.
[21] Nous pouvons citer les gags 272 et 274 (Le bureau des gaffes en gros [1965], R2, 1972).
[22] Philippe Birgy, « “Si cette histoire vous amuse, on peut la recommencer” : Le yéyé et l’importation de la contre-culture américaine », Volume, vol. 9 : 1, no1, 2012, pp. 151-167.
[23] Pour un témoignage sur cette époque, voir Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Delannoy, L’aventure hippie, Paris, Éditions du lézard, 1995.
[24] Par exemple, les gags 530B (Un gaffeur sachant gaffer, n°7, 1969) ou 590B (Lagaffe nous gâte, n°8, 1970).
[25] Voir le gag 600 (Lagaffe nous gâte, n°8, 1970). Sur Gaston et la musique, voir Lagaffe en musique, Monaco, Marsu Productions, 2012.
[26] La dernière aventure de Spirou dessinée par Franquin est Panade à Champignac (qui débute dans le numéro 1539 du 12 octobre 1967 du journal Spirou et s’achève au numéro 1556 du 8 février 1968). Elle sera reprise en album en 1969, accompagnée de l’épisode Bravo les Brothers, qui doit être vu comme une histoire de Gaston Lagaffe.
[27] Lagaffe mérite des baffes, 1979.
[28] Frédéric Potet, « Gaston Lagaffe, icône antimilitariste, antiflics et écolo avant l’heure », art. cit.
[29] José-Louis Boquet et Eric Verhoest, Franquin, chronologie d’une œuvre, Monaco, Marsu Production, novembre 2007, p. 102 ; Numa Sadoul et André Franquin, Et Franquin créa la gaffe, op. cit., pp. 45-50.
[30] Sur la notion de décroissance, voir André Gorz, Éloge du suffisant, Presses universitaires de France, 2019 ; Cédric Biagini, David Murray et Pierre Thiesset (eds.), Aux origines de la décroissance : Cinquante penseurs, Paris/Montréal, L’Échappée/Écosociété, 2017.
[31] Valeria Siniscalchi, « Slow versus fast », Terrain [En ligne], n°60, mars 2013, http://journals.openedition.org/terrain/15122, consulté le 13 octobre 2022.
[32] La Saga des gaffes, 1982.
[33] Idem.
[34] Numa Sadoul et André Franquin, Et Franquin créa la gaffe, op. cit., p. 72.
[35] Il s’agit d’une Fiat 509 coupé royal de 1925.
[36] Sylvanie Godillon, Gaële Lesteven et Sandra Mallet, « Réflexions autour de la lenteur », Carnets de géographes [En ligne], 8 | 2015, mis en ligne le 01/09/2015, consulté le 07 septembre 2023, URL : http://journals.openedition.org/cdg/281
[37] Centre Georges Pompidou, « Gaston, au-delà de Lagaffe », Paris, 7 décembre 2016-10 avril 2017. https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/cy5Rdgg.
[38] Par exemple le gag 905B, Gaffe à Lagaffe, Marsu Prod, 1996.
[39] Paul Lafargue, Le droit à la paresse, Paris, Mille et une nuits, 1994.
[40] Frédéric Potet, « Gaston Lagaffe, icône antimilitariste, antiflics et écolo avant l’heure », art. cit.
[41] Amaury Grimand, « Appropriation et construction du sens au travail. Les leçons de management de Gaston Lagaffe », Revue française de gestion, vol. 303, n°2, 2022, pp. 105-124.
[42] Gag 829, Lagaffe mérite des gaffes, n°13, 1979.
[43] Lewis Caillat, « La machine à faire des ronds de fumée de Gaston Lagaffe », Esprit, 1982, https://esprit.presse.fr/article/caillat-lewis/la-machine-a-faire-des-ronds-de-fumee-de-gaston-lagaffe-31746. Consulté le 15 octobre 2022.
[44] Bruno Latour, « Portrait de Gaston Lagaffe en philosophe des techniques », in Bruno Latour (dir.), Petites leçons de sociologie des sciences, Paris, La Découverte, 2007, pp. 13-24.
[45] https://www.cite-sciences.fr/fr/ressources/evenements-passes/gaston-de-lidee-a-la-gaffe.
[46] Lewis Caillat, « La machine à faire des ronds de fumée de Gaston Lagaffe », art. cit.
[47] Sur le mouvement Dada, cf., Marc Dachy, Dada et les dadaïsmes, Paris, Gallimard, 1994 ; Laurent Lebon (dir.), Dada, catalogue d’exposition, Centre Pompidou, 2005.
[48] Jean-Claude Bonnet, Diderot : Textes et débats, Paris, Librairie Générale Française, 1984. Michèle Duchet, Anthropologie et histoire au siècle des Lumières : Buffon, Voltaire, Rousseau, Helvétius, Diderot, Paris, Maspero, 1971 ; Peter Jimack, Peter, Diderot : Supplément au Voyage de Bougainville, London, Grant & Cutler Ltd., 1988. Voir aussi Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », 2005.
[49] Gags n°850A et 850, Lagaffe mérite des baffes, 1979. Le début de ce gag est à chercher dans le douzième volume des aventures de Gaston, Le gang des gaffeurs (1976), dans les gags 799, 800 et 804, pp. 41, 42 et 45.
[50] Les gags ayant un aspect écologique ont été compilés dans l’anthologie intitulée L’écologie selon Lagaffe, Monaco, Marsu Productions, 2009. De même, il y a eu une autre anthologie, chez le même éditeur, portant sur la biodiversité, La biodiversité selon Lagaffe, Monaco, Marsu Productions, 2010.
[51] Lagaffe mérite des baffes, n°13, 1979. Voir Cynthia Laborde, « Se presser de rire de tout de peur d’avoir à en pleurer : Franquin, Lagaffe, et l’environnement », The French Review, Johns Hopkins University Press, vol. 90, n° 2, 2016, pp. 117-129.
[52] Gag 652, Le cas Lagaffe, n°9, 1977.
[53] Gag 809, Lagaffe mérite des gaffes, 1979.
[54] Cela dit, l’exposition de 2016 du Centre Georges Pompidou consacrée à Gaston Lagaffe reproduit une lettre d’une commerciale parisienne qui souligne que l’album Des gaffes et des dégâts, qui vient de paraître (nous sommes en 1968, peu avant Mai 68) a été « “déposé” à la “Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence », mise en place par la loi de 1949. Le risque de censure pèserait grandement sur l’ouvrage, selon cette commerciale : « Le principal argument de cette commission est que la jeunesse française a suffisamment l’occasion d’entendre autour d’elle dénigrer et ridiculiser la police sans qu’il soit nécessaire, en plus, de lui fournir des exemples dessinés. Tout ceci peut paraître puéril et rétrograde, mais […] si nous voulons continuer à obtenir facilement les autorisations nécessaires, il ne faudrait peut-être pas renouveler trop souvent ces incidents ». » Frédéric Potet, « Gaston Lagaffe, icône antimilitariste, antiflics et écolo avant l’heure », art. cit.
[55] Numa Sadoul et André Franquin, Et Franquin créa la gaffe, op. cit., p. 64. Voir le gag 631 (Lagaffe nous gâte, n°8, 1970).
[56] Erwin Dejasse, « Ce Spirou qui m’emmerde », in Meesters, Gert ; Vrydaghs, David ; Paques, Frédéric (eds.), Les métamorphoses de Spirou : Le dynamisme d’une série de bande dessinée, Liège, Presses Universitaires de Liège, 2019, p. 120.
[57] Numa Sadoul et André Franquin, Et Franquin inventa la gaffe, op. cit., p. 72.
[58] Passages à tabac, torture à l’électricité (sur les parties génitales), drogues, viol de sa compagne devant lui, simulacre d’exécution…
[59] Gag non numéroté, Gaffe à Lagaffe, n°19, Marsu Prod.1999, p.33.
[60] Gag 887, La saga des gaffes, n°14.
[61] Les gags 890A et 980B, La saga des gaffes, 1982, n°14.
[62] Gag n°870, La saga des gaffes, 1982.
[63] Par exemples, les gags 315 et 359, Gare aux gaffes du gars gonflé, R3, 1989.
[64] Gag 316, Gare aux gaffes du gars gonflé, R3, 1989.
[65] Par exemple, les gags 582 B (Lagaffe nous gâte, n°8, 1970).
[66] Par exemple, dès le gag n°1, lorsque Gaston fait tomber un sac de noix, qui font tomber des soldats défilants, désorganisant de fait ce défilé (Gaston n°0, « Gaffes et Gadgets », 1985). Nous pouvons aussi citer les gags 486B et 576B, où le gaffophone perturbe le vol d’avions de chasse (respectivement Un gaffeur sachant gaffer, n°7, 1969 et Lagaffe nous gâte, n°8, 1970) ; le gag 589B (Lagaffe nous gâte, n°8, 1970), où une maquette d’avion de chasse, pilotée par Gaston finit dans les fesses d’un général ; le gag 690 où un ramonage à l’explosif transforme des protections de cheminée en missiles qui détruisent un avion de chasse (Le géant de la gaffe, 1972) etc.
[67] Marie-Catherine Oppenheim, « Euromissiles : la dernière bataille Est-Ouest », L’Histoire, no 210, mai 1997, https ://https://www.lhistoire.fr/euromissiles-la-derni%C3%A8re-bataille-est-ouest. Consulté le 07/09/2023.
[68] La saga des gaffes, n° 14, 1982.
[69] Numa Sadoul et André Franquin, Et Franquin créa la gaffe, op. cit., p. 63.
[70] Publiés dans le Journal de Spirou, ils seront collectés dans deux volumes de Gaston, Lagaffe mérite des baffes, n°13, 1979 et La saga des gaffes, n° 14, 1982.
[71] L’agent Longtarin apparaît comme personnage secondaire en 1964, dans l’album Gaffes à gogo.
[72] Frédéric Potet, « Gaston Lagaffe, icône antimilitariste, antiflics et écolo avant l’heure », art. cit.
[73] Numa Sadoul et André Franquin, Et Franquin créala gaffe, op. cit., pp. 157-158.
[74] Voir le courrier cité dans la note 31.
[75] Voir Max Stirner, L’Unique et sa propriété et autres écrits, Lausanne, L’âge d’homme, 1972. Sur les différentes formes d’anarchisme, voir Daniel Colson, Petit lexique philosophique de l’anarchisme. De Proudhon à Deleuze, Paris, Livre de poche, 2001.
[76] Voir Howard Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 2020.
[77] Numa Sadoul et André Franquin, Et Franquin créa la gaffe, op. cit., p. 161.
[78] Cf., André Franquin, Cauchemarant, Bédérama, 1979 et 1981.
[79] Eric Hobsbawm, L’âge des extrêmes. Le court XXe siècle 1914-1991, Agone, 2020.
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