#toktokblongtede

2025-01-11

Enfin, troisième type d’emplois, mentionnés par Crowley, clairement archaïque à mon avis : les contextes où "tabu" est comme une traduction du "holy" anglais : "tabu spirit" (Saint Esprit), "tabu tebol" (autel), "tabu buk" (livre saint, Bible). Dans mon expérience, les gens utilisent de nos jours "holi spirit", "Baebol", "holi tebol" ou "olta".

Enfin, un dernier point : il me semble que les emplois de type 1 (interdit et sacré entremêlés) auront plus souvent tendance à être prononcés avec la prénasalisation du b : [tambu], alors que les emplois de type 2 seront plutôt prononcés sans prénasalisation, avec une consonne sourde [tapu]. Je me demande si on ne va pas doucement vers un dédoublement du mot en deux formes phonétiquement différentes, qui formeraient alors un genre de doublet étymologique. J’essaierai de penser à vérifier ça la prochaine fois que je serai sur le terrain...

#ToktokBlongTede

2025-01-11

C'est parti pour le ToktokBlongTede. J'en n'ai pas fait depuis drôlement longtemps alors je rappelle le principe: je vous raconte des trucs (origine, prononciation, sens, variantes) sur un mot du bislama, qui est le pidgin/créole parlé au Vanuatu.

11/01/2025

Le mot bislama du jour est "tapu" (ou "tabu"), qui se prononce [tapu], [tambu], ou plus rarement à ma connaissance [tabu].
Il n’est pas évident de savoir exactement par quelle source le mot est entré en bislama. Il s’agit en tout cas d’un mot qu’on reconstruit pour le Proto-Océanien sous la forme *tambu,et qui est à l’origine de nombreux reflets partout dans le monde océanien.
C’est bien sûr lui qui a donné, par l’intermédiaire du tongien "tapu", puis de l’anglais "taboo", le mot "tabou" du français.

Du point de vue du sens, en bislama comme ailleurs dans le monde océanien, le mot "tabu" a deux facettes renvoyant à l’interdit et/ou au sacré. On comprend assez bien comment les deux sont en réalité liées historiquement : les éléments culturels (objets, pratiques, savoirs) relevant de l’initiation pouvaient faire l’objet d’un interdit (pour la partie non-initiée de la population particulièrement).
En bislama moderne, on observe surtout des acceptions relevant 1. de ce double domaine sémantique de l’interdit et du sacré (ou du moins, du coutumier) entremêlés et 2. de l’interdit simple. Le dictionnaire de Crowley mentionne également des usages relevant juste du sens « sacré », sans notion particulière d’interdit mais ces emplois me semblent assez vieillis.

Pour le premier type d’emplois (interdit et sacré/coutumier entremêlé), on trouve par exemple "tabu ples" (endroit tabou, endroit interdit aux non-initiés). On entend aussi souvent dire "Kastom jif i putum wan tabu long eria ia, ol man oli no save fis long ples ia" (Le chef coutumier a placé un tabou dans cette zone, on n’a pas le droit d’y pêcher). Le « tabou » est alors matérialisé par une branche d’arbre, par exemple de namele (qui est apparemment aussi appelé "tabu tri" (arbre tabou)), qui indique à tous l’interdiction de pêche.
Crowley mentionne aussi que "tabu" a pu à une époque désigner les beaux-parents (usage que je n’ai personnellement jamais entendu). Et par extension, les relations sociales sur lesquelles pèsent des interdits (avec nécessité de respect, parfois interdiction de prononcer le nom, évitement du contact, etc). Il donne l’exemple suivant : "Hem i tabu blong mi, mi no save talem nem blong hem" (Because he’s in a restrictive relationship with me [litt : he’s my tabu], I cannot say his name).

Pour le second type d’emplois (interdit seul, sans connotation sacrée), un emploi très fréquent est le "tapu!" impérieux adressé aux petits enfants sur le point de commettre une bêtise. J’avoue l’avoir moi même beaucoup employé avec mes enfants quand ils étaient petits (c’était plus facile à mémoriser que « c’est interdit ». Je ne l’utilise plus depuis longtemps mais quand j’ai mentionné ce soir au repas que j’allais écrire ce pouet, ma fille m’a dit « moi je sais, ça veut dire qu’il ne faut pas faire quelque chose ! » .Ça lui est clairement resté en mémoire 😁 .

On trouve aussi parfois l’expression "tapu pats" ou "tapu ples" pour désigner les parties intimes (d’une femme, plutôt), la morale chrétienne étant évidemment très présente au Vanuatu.
Enfin, un autre usage très courant est l’interdiction de type légal ou réglementaire. Je viens par exemple de trouver dans une vidéo Youtube de sécurité routière : "Hemi tabu blong pakem trak long footpath – i gat faen" (Il est interdit de se garer sur les passages piétons sous peine d’amende).
La photo que j’ai postée ce matin était celle d’un écriteau disant "Tabu blong sakem toti olbaot" (Interdit de jeter des déchets n’importe où ).

#ToktokBlongTede

2024-03-15

Tiens à propos du pouet de @tract_linguistes que je viens de booster: on constate le même genre de sens "non-carné" pour le mot "mit" (qui vient bien sûr de l'anglais meat) en bislama. #ToktokBlongTede

Plutôt que "la viande" ça sert à désigner ce qui agrémente le repas, basé essentiellement sur des tubercules. Et dans les coins où on mange peu de produits animaux, ça concerne du coup parfois des noix concassées, ce genre de choses. (1/2)

social.sciences.re/@tract_ling

Jérôme ابو عادل Singirankaboabouadil@mastodon.online
2024-01-24

NB: le Kirundi, langue bantoue d'#AfriqueCentrale, est la langue nationale du #Burundi. Il est très proche du #Kinyarwanda parlé au #Rwanda voisin.

J'ai piqué l'idée du "mot du jour" à @AgnesHenri qui a fait la même chose avec le bislama (aka bichelamar) et c'est passionnant!

#toktokblongtede

#AmajamboYiKirundi

#bantu #Bantou #afrique #langues #lingustique #LanguesBantu #CuriositeLinguistique #langue #LanguesVivantes #AfriqueCentrale #AfriqueOrientale #AfriqueDesGrandsLacs

2023-09-21

Du coup je viens d'aller vérifier dans le dico de Crowley, et pour "bat", il dit: "bat, cave bat (Family Emballonuridae). Also nakarae."

Donc pas la même famille que les roussettes..
Et en dessous, il y a un dessin, à côté duquel j'ai écrit "alkwoŋi, plus petite que kwaratu" (j'en avais AUCUN souvenir 😅 ).
Jamais entendu le mot "nakarae" sur le terrain!

(Une année je me suis servie des illustrations de ce dico pour éliciter du vocabulaire sur les plantes et les animaux.)

#ToktokBlongTede

2023-09-21

Mais je crois qu'en bislama, on dit "flaeng fokis" pour les deux. Cela dit, quand ils ont besoin de traduire les mots vernaculaires et d'expliciter la différence entre les deux, les gens peuvent éventuellement décrire les petites roussettes brunes en disant "ol smol braon bat", donc le mot générique "bat" existe clairement quand même... (mais je ne l'ai pas beaucoup entendu par ailleurs..)

#ToktokBlongTede

2023-09-21

Dans les langues vernaculaires que je connais, il y a deux mots pour les grandes roussettes noires et les petites brunes. En sungwadia, on dit "sawelo" [sawɛlo] pour les grandes noires et "qaratu" [kwaratu] pour les ptites brunes.
Ce qui est marrant, c'est qu'en mwerlap, les grandes noires sont désignées par "qërët" [kwɞrɞt], qui est clairement le même mot que "qaratu". Il y a eu un glissement.

#ToktokBlongTede

2023-09-21

Le [i] s'explique à nouveau par cette histoire de contrainte sur les groupes consonantiques, surtout chez les locuteurs âgés. Mais alors qu'en début de mot on a en général une voyelle copie (skul--> sukul), pour un groupe consonantique de ce genre, avec un [s] ou un [ʃ] comme dernier son, c'est toujours un [i] qui viendra s'intercaler "box"--> "bokis".

#ToktokBlongTede

2023-09-21

21/09/2023
Le mot bislama du jour est "flaeng fokis".
Oui, techniquement ça fait deux mots, mais chut.

Ça vient de l'anglais "flying fox". Et ça désigne bien sûr: la roussette.

Ca se prononce [flaeŋ fɔkis] ou [flaeŋ fɔks]. Le [s] n'est pas exactement alvéolaire, il est légèrement décalé vers la zone palatale, sans aller toutefois jusqu'au [ʃ].

#ToktokBlongTede

Photo d'un bébé roussette pendu par les pattes dans un arbuste assez bas. A côté de la roussette on voit un bout de banane, qui a été accroché par quelqu'un pour la nourrir, et qui est assez gros par rapport à elle.
2023-09-20

Dernier emploi, métaphorique celui-ci:
« Melek » est le mot normal (en tout cas le seul que j’ai jamais entendu) pour désigner le sperme (Crowley donne « waetwota » pour cet usage, mais je n’ai jamais entendu ce mot…)

"Melek i ron" --> "éjaculer"
(Crowley donne au moins trois autres expressions avec la même signification avec d'autres verbes que "ron" 😅 )

#ToktokBlongTede

2023-09-20

Melekem peut aussi vouloir dire : « ajouter » du lait de coco à un plat.

« mi laekem nawita taem we yu melekem ! »
(« J’aime bien la pieuvre, quand on l’arrose de lait de coco »)

« Eh, bae mi melekem kabij ? »
(« Eh, je cuis les feuilles de chou des îles dans du lait de coco ? »)

#ToktokBlongTede

2023-09-20

Si l’on transitive le mot « melek » avec le suffixe « -em » (que vous connaissez par cœur, maintenant ! ), ça donne le verbe « melekem », qui désigne cette action de presser la chair entre les mains, avec un mouvement un peu tournant, pour exprimer le jus.

Et du coup, par extension, on utilise le même mot pour l’une des étapes de la préparation du kava. Pas de lait impliqué dans l’histoire, mais on fait le même mouvement pour exprimer le jus de la racine !

#ToktokBlongTede

Photo d'une femme assise à califourchon sur un banc, en extérieur, en train de procéder à l'extraction du lait de coco. Entre ses cuisses, on voit une bassine bleu vert, dans laquelle se trouve la noix de coco râpée. Elle en tient une grosse poignée entre ses mains, et elle presse ses deux mains l'une contre l'autre. Du lait de coco coule entre ses doigts, et tombe dans une casserole posée devant elle sur le banc. De l'autre côté de la casserole, des tiges et des feuilles fines enveloppées dans une grande feuille verte et épaisse.
2023-09-20

L’emploi le plus fréquent du mot "melek" concerne le lait de coco : « melek blong kokonas » ou plus souvent « melek kokonas ». Pour rappel, il ne s’agit pas de l’eau de coco (« wota blong kokonas », qu’on trouve dans la noix de coco verte, mais le liquide blanc et assez épais obtenu quand on exprime le jus de la chair de coco râpée, en le mélangeant avec l’eau de coco).

#ToktokBlongTede

2023-09-20

20/09/2023

Le mot bislama du jour est « melek» , qui se prononce [melɛk], et qui vient de l’anglais « milk ».
Il désigne le lait maternisé, ou le lait de vache (à peu près absent dans les îles/les villages, mais on en trouve dans les supermarchés en ville). Étrangement le mot n’est quasiment pas employé pour le lait maternel.
On peut le trouver en revanche pour la sève de certains arbre, lorsqu’elle est blanche. Crowley donne l’exemple du manguier ou de l’arbre à pain.

#ToktokBlongTede

2023-09-19

Dans l’ex. suivant, "mi olbaot nomo" est assez difficile à traduire en français. En anglais, Crowley propose "carefree, careless". Mais je crois qu’ici, ce n’est pas tant l’idée d’insouciance que d’adaptabilité. "Mi olbaot", c’est "je m’adapte à toutes les situations", en gros.

"Yu no wori long mi, mi olbaot nomo, "
("Ne t’inquiète pas pour moi, je suis le mouvement/ je ferai comme il faudra/ je ne suis pas pénible")

#ToktokBlongTede

2023-09-19

Enfin il peut fonctionner comme prédicat (= comme un verbe, pour aller très vite). Il peut par exemple constituer un énoncé à lui tout seul, toujours dans ce sens de « n’importe quoi/ n’importe lequel/n’importe quand/ n’importe où»

"- Yu wantem kakai wanem ?"
"- Olbaot !"

("- Tu veux manger quoi ?"
"- N’importe quoi/tout me va !")

"- Yu wantem go wataem ?"
"- Olbaot !"

("- Tu veux y aller quand ?"
"- N’importe quand !")

#ToktokBlongTede

2023-09-19

Toujours dans un emploi de type adverbial, il veut souvent dire "au hasard".

"- Yestede mi wokbaot olbaot"
"- Hier j’ai marché au hasard, sans faire attention où j’allais"

Il peut également modifier un nom (comme un adjectif épithète, si on veut), et signifie dans ce cas là "un X quelconque, n’importe quel X" :

"- Traem karem wan ston !"
"- Wijwan ?"
"- Wan ston olbaot !"

("- Tu peux m’apporter une pierre ?"
"- Laquelle ?"
"- N’importe quelle pierre")

#ToktokBlongTede

2023-09-19

19/09/2023

Le mot bislama du jour est "olbaot", qui se prononce [olba͡ɔt], et qui vient de l’anglais "all about". Il se traduira de façon assez différente selon sa fonction grammaticale dans la phrase.

Il peut modifier un verbe, et fonctionner comme un adverbe de lieu, et signifie "un peu partout, n’importe où".

"Flaoa ia i gat olbaot long bus" (exemple tiré du dico de Crowley, édition de 2003)
("Cette fleur, il y en a partout dans le bush")

#ToktokBlongTede

2023-09-18

Dans le système phonologique de beaucoup de ni-Vanuatu, les sons [p], [v], et [f] pointent donc vers la même "case", si vous voulez. Et ça se retrouve en bislama. C’est pas juste que les [v/f] passent à [p]. Il y a juste une confusion globale. Ce sont trois prononciations d’un même phonème. Le mot tuyau, qui vient de l’anglais « pipe » est parfois prononcé [paep] mais aussi [paef], voire [faef].
Et du coup, ben, pareil pour le f de « soft », qui est passé tranquillement à [p]

#ToktokBlongTede

2023-09-18

Ds ces langues, le [p] et le [f] /le [v] sont souvent des réalisations phonétiques d’un même phonème. En particulier, les v/f qui se retrouvent en fin de mot sont prononcés [p] dans bcp de langues. C’est ce qui se passe pour le mot "mwerlap" : "lap" vient étymologiquement d’une forme *lava ("grand"), qu’on retrouve telle quelle dans le nom de l’île où est parlée cette langue : Mere Lava. En mwerlap, le [a] final de « lava » est tombé et le [v] devenu final est passé à [p].

#ToktokBlongTede

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