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THE WAR GAME
de Peter Watkins (1965, BBC)
📽️VOstFR/720p👇
https://mega.nz/file/oNYgDJpR#mp52E4WmiLED8PaQ3w8E2ZnIi8Qd8oPomfYz93TLrJc
Si t'as les moyens:
ÉPUISÉ
Synopsis:
À partir de données recueillies à Hiroshima et Nagasaki, et d'autres lieux de bombardements massifs, tels que Dresde, Darmstadt et Hambourg, Peter Watkins essaye d'imaginer ce que provoquerait une attaque nucléaire sur l'Angleterre.
Il décrit de façon réaliste les effets sur la population, les réactions sociologiques ainsi que les mesures prises par le gouvernement.
[La BBC avait demandé à Peter Watkins de réaliser une simulation crédible des lendemains d'une attaque nucléaire sur l'Angleterre, hautement d'actualité en 1965. Elle a ensuite refusé de diffuser le résultat, très documenté et réaliste, donc très alarmiste et aux antipodes des déclarations politiques britanniques.
Une lacune du contrat de production permit au film de tout de même sortir en salles. Il fut récompensé d'un Oscar et du prix spécial du Festival de Venise, ce qui pour une simulation est une prouesse. Il remporta également un succès considérable en salles malgré sa durée de 48 minutes.]
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Critique:
« Is there a real hope to be found in the silence ? »
Faux documentaire, The War Game un projet très percutant qui prend pour parti de donner à voir ce que serait une attaque nucléaire sur l’Angleterre. A une époque où les images de dévastation nucléaire ne sont pas le lot commun des blockbusters qui s’attachent plutôt à l’histoire ancienne, l’idée de mettre en scène les images réalistes de cette menace permanente est brillante.
Le futur hypothétique qui se dessine est d’autant plus effrayant qu’il se nourrit de toutes les données issues d’un passé récent, que ce soit les bombardements intensifs de Dresde ou ceux d’Hiroshima et de Nagasaki. Ce va et vient entre les horreurs du conflit précédent et l’étendue de celle potentiellement à venir est une charge extraordinaire de pessimisme sur l’état du monde.
La construction du film achève cette démonstration : tantôt pure fiction, elle scénarise heure par heure et jour après jours le scenario catastrophe, dans un rendu journalistique et documentaire confondant de vérité. Rigoureux, exhaustif, le récit s’attarde aussi l’après et la vie des survivants, étalant dans la durée l’horreur et ses conséquences avant cette conclusion terrible : « Would the survivors envy the dead ? »
La voix off, clinique, didactique, est pour beaucoup dans l’efficacité du propos, ponctuant des images de dévastation par « This is a nuclear war », « This is a firestorm » ; et surenchérit par la lecture de documents administratifs qui montrent à quel point les mesures prises sont dérisoires face à l’ampleur des dégâts attendus, ou, pire encore, la position de l’Eglise qui explique comment vivre avec l’acceptation de cette horreur.
Il s’agit bien, et la thèse finale l’explicite, de frapper les consciences en mettant des images sur les mots : personne ne sait véritablement ce qu’est la bombe, mais tout le monde en parle.
En cela, le choix des témoignages est capital : montrer la doxa et le désir de revanche du peuple anglais est d’une rare pertinence, même si l’on aimerait savoir si ces interviews sont réelles ou non. Sur ce sujet, on pourra regretter l’excès de reconstitution lors des fausses réponses de certains acteurs, notamment celles des enfants qui expliquent qu’ils n’ont aucun projet pour leur avenir, surenchère dans le pathétique qui n’était pas utile à ce stade de la démonstration.
Film choc, à contextualiser pour prendre la mesure de son impact, mais aussi à prendre comme exemple de l’efficacité du réalisme au service de la dénonciation, et de la propension du cinéma à proposer autre chose qu’une imagerie baroque, épique et jouissive de la guerre.
Concernant la terrible réalité des bombardements, notamment sur l’Allemagne par les anglais, je vous invite à lire le formidable (et très court) livre de Mike Davis, Dead Cities.
(Sergent Pepper, senscritique)
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Peter Watkins
est un réalisateur expérimental et militant britannique.
Ses films, pacifistes et radicaux, redistribuent les frontières habituelles entre documentaire et fiction. Il s'est particulièrement attaché à la critique des médias de masse et de ce qu'il a nommé la « monoforme ».
Avant de développer sa critique de la monoforme, concept qu'il a formé pour nommer l'uniformisation de la forme télévisuelle et cinématographique (montage, musique, cadre narratif), Peter Watkins s'est essayé dès ses premiers films à accompagner sa remise en question de la représentation et de la narration traditionnelles par des recherches formelles hors-cadre.
Le réalisateur brouille d'abord les genres habituels, en déplaçant les frontières entre documentaire et fiction : des épisodes historiques ou fictionnels sont filmés comme s'ils se déroulaient sous nos yeux, la présence du « journaliste » est visible et assumée, créant des effets d'anachronie (caméra et micro visibles sur un champ de bataille du XVIIIe siècle ou dans le Paris de 1871) ou d'uchronie (La Bombe, Punishment Park).
Il insère également des formes cinématographiques différentes au sein d'un même film, faisant appel à des dispositifs du cinéma muet (les cartons), à des outils professionnels (décompte du temps d'une séquence, insertion de signaux sonores pour signaler une coupe au montage), à d'autres formes d'art (photographie, théâtre, cabaret).
Se refusant à employer les procédés standardisés par l'industrie hollywoodienne, il tourne très peu en studio, ou quand il le fait, en exploite les contraintes : c'est le cas de The Trap, où l'espace, entièrement confiné et surveillé, est oppressant. Les décors naturels, comme les costumes, font quant à eux l'objet d'un très long travail de recherche avant le tournage, afin de trouver des lieux qui ne « joueraient » pas plus – ou pas moins – que des acteurs donnant leur opinion réelle.
La lumière est naturelle ou travaillée spécifiquement pour le film, comme dans Munch, où elle est filtrée pour approcher du ton bleuté employé par le peintre, restituer l'atmosphère de la fin du XIXe siècle (maisons peu éclairées), et baigner le film dans une ambiance irréelle (allers-retours entre flashbacks, visions intérieures, épisodes présents).
Le son est désynchronisé et aéré de longs silences, afin de créer un décalage au sein duquel le spectateur ait le temps de développer sa propre réflexion sur le film, d'y ajouter ses émotions et souvenirs, Watkins cherchant à faire surgir le film d'une « alchimie » entre la matière cinématographique et l'expérience personnelle de chaque individu qui le regarde.
Le rythme de montage est asymétrique, alternant de longs plans-séquences ou des gros plans de visages avec des épisodes très brefs destinés à créer un effet de choc.
Enfin, Watkins, refusant les contraintes dictées par des impératifs commerciaux, s'affranchit des durées convenues (Le Voyage dure 14 h 30, La Commune 5 h 30 dans sa version intégrale), afin de laisser chaque film se développer sur un temps qui lui est propre, et chaque spectateur trouver l'espace de sa réflexion.
Cette recherche de la forme s'accompagne en effet chez Peter Watkins d'une réflexion sur la relation au public. Voulant casser le quatrième mur de l'espace cinématographique, celui de l'écran, il cherche, contrairement au système hollywoodien attaché à une fonction de divertissement et à une hiérarchisation forte des rôles, à faire participer le spectateur aux films.
Cela se traduit d'abord et avant tout par le recours à des acteurs non professionnels, qui expriment leurs points de vue véritables à travers leurs rôles, allant parfois jusqu'à modifier le scénario original du film, comme ce fut le cas pour Punishment Park, dont le final diffère de celui initialement écrit. Les Versaillais de La Commune, pour prendre un autre exemple, furent recrutés via des annonces dans les journaux, en fonction de leurs opinions politiques conservatrices.
Les acteurs sont ainsi engagés pleinement dans le processus – autre concept fondamental chez Watkins – de réalisation du film, et, au-delà, dans la construction ou reconstruction de leur propre histoire (exploration d'épisodes vécus par des ancêtres dans Culloden, d'évènements pressentis comme imminents dans La Bombe).
L'intérêt pour le public et le souci constant de casser la forme de pouvoir qu'induit la réception passive lors d'une projection, se manifeste par ailleurs dans ses films par des adresses directes de la voix off au spectateur, l'appelant à analyser ce qu'il vient de voir ou l'interrogeant sur son opinion – dialogue ou polylogue que le réalisateur a cherché à poursuivre dans des rencontres organisées après les séances.
Il n'est pas anodin, à cet égard, que Peter Watkins se soit dernièrement davantage intéressé à l'organisation de débats publics et d'ateliers de décryptage des médias qu'à la réalisation à proprement parler : le processus se poursuit ainsi dans le champ citoyen, et tente de réinvestir les espaces de critique et de démocratie asphyxiés, selon le réalisateur, par les mass media.






