#20jours20souvenirs - Jour 17 - L'affaire Dutroux et la marche blanche
Août 1996
Ce sont les vacances d'été mais l'heure n'est pas à l'insouciance dans le royaume de Belgique...
Arrêtés le 13 août, Marc Dutroux et Michèle Martin sont arrêtés dans le cadre de l'enquête sur les disparitions de Laeticia Delhez et Sabine Dardenne.
Le 15 août, Dutroux passe aux aveux et les enquêteurs retrouvent les deux jeunes filles dans une cache de sa maison à Marcinelle. Deux jours plus tard, ils retrouvent les corps de Julie et Mélissa, deux petites filles enlevées par Dutroux dans une autre propriété de Dutroux à Sars-la-Buissière, elles sont mortes de faim mais le comble de l'horreur n'est pas encore atteint, début septembre, ce sont les restes d'An et Eefje qui sont retrouvé dans une troisième propriété appartenant au monstre.
La population belge est sous le choc et la confiance envers le monde politique et judiciaire au plus bas et l'on peut comprendre... et justement, la population veut comprendre comment il est possible que des faits aussi atroces ait pu se produire sans que personne ne se rende compte de rien et surtout que des perquisitions avaient déjà eu lieu auparavant...
Il y a une explication à cela qui sera mise en évidence dans le rapport de la commission d'enquête : mauvaise communication entre les gendarmerie, police judiciaire et communale, nombreux dysfonctionnement, gentil euphémisme pour parler de guerre des polices... La conséquence, sera la disparition de la gendarmerie en 2001 et son intégration à la nouvelle police fédérale.
20 octobre 1996
Les tensions sont vives dans la population et les remous dans l'instruction de cette affaire... Pas moins de trente témoins disparaîtront de manière curieuse... et le juge d'instruction Connerotte se voit retirer l'affaire à la demande de l'avocate de Dutroux. Il lui est reproché d'avoir assister à un souper spaghettis en soutien aux parents de Julie et Mélissa.
Une marche blanche est annoncée pour le dimanche 20 octobre et la mobilisation sera au-delà de toute attente! Il est impossible de dire avec précision combien de personnes y ont participé; on parle de plus de trois cents mille personnes. La seule chose qui soit certaine, c'est que soixante mille billets de trains spéciaux ont été vendu et la SNCB a estimé à l'époque qu'au moins cent vingt mille personnes ont pris le train pour se rendre à Bruxelles ce dimanche.
Un service de dimanche inoubliable!
A cette époque, j'étais speaker à Bruxelles-Midi et était de service ce dimanche là de 14 à 22 heures. J'habitais à Liège à cette époque et avait pris le décision de prendre le train plus tôt et bien m'en a pris car les trains étaient déjà bien bondés... Il y avait un train spécial prévu et j'ai été trouver le collègue conducteur qui m'a autorisé à prendre place dans le poste de conduite de la 27 pour que je puisse arriver à l'heure au boulot...
A la sortie de Leuven, dans l'ancienne configuration à deux voies, il y avait la courbe assez serrée d'Herent, même les yeux fermés, on la reconnaissait mais là n'est pas le sujet... qui dit courbe, dit mauvaise visibilité et au moment où l'on sort de cette courbe voilà un gaillard enveloppé dans un grand drap blanc (l'image me revient en tête à chaque fois que j'évoque ce souvenir!) qui traverse les voies devant nous! Le conducteur provoque un freinage et heureusement, le gaillard ne s'est pas pris les pieds dans les rails ou son drap mais il a du sentir le vent dans le dos!
Excepté cet incident, marquant mais heureusement sans conséquence, je suis arrivé à Bruxelles-Midi vers 13 h 30, bien à temps pour le service qui allait être hors du commun... car une fois la marche arrivée à son terme, il fallait ramener toute cette foule chez elle...
La gare du midi était pleine comme jamais et très vite, la circulation des trains a été désorganisée. Il y avait tant de monde que l'embarquement durait beaucoup plus longtemps et ce même si les rames étaient renforcées à leur maximum...
A un moment donné, je me contentais d'annoncer qu'un train pour telle destination avec tels arrêts allait arriver telle voie, sans plus mentionner d'heure de départ, c'était devenu un détail insignifiant tout comme s'il s'agissait d'un IC, d'un IR ou d'un L...
Je ne me souviens plus trop bien mais la situation s'est améliorée en début de soirée seulement, vers 19 heures dans mon souvenir... et totalement rétablie lorsque je repris le train à 22 h 50 pour rentrer chez moi après une journée éprouvante!
C'est l'unique fois dans ma carrière que notre chef nous a adressé collectivement une lettre de félicitation et un dixième de primes en plus pour tous ceux qui étaient de service ce jour-là. Cela m'a fait plaisir comme aux autres, dire le contraire serait mentir mais j'étais fier d'avoir rendu ce service à la population dans le cadre de mon job.
Un traumatisme encore présent
Aujourd'hui encore, en me remémorant ces événements pour ce billet, l'émotion est toujours aussi vive... tout comme lorsque je passais à Charleroi et voyais la façade de cette maison de Marcinelle (juste derrière la gare du Sud) depuis la fenêtre du train en venant de Namur... Imaginer ce qui s'était déroulé là était au-delà de tout entendement...
Le procès et la condamnation de Dutroux et de ses complices n'a pas tout à fait apaisé la population... Lorsque Michèle Martin, l'ex-femme de Dutroux a été libérée et a trouvé refuge auprès d'une communauté religieuse, il y eut d'énormes protestations de la part de la population du coin... Dutroux, lui, est toujours en prison et chaque fois que sa demande de libération conditionnelle est demandée, elle est refusée, jusqu'ici du moins...
A la suite de cette affaire, Child Focus a été mise sur pieds. L'association est active dans le signalement des disparitions inquiétantes et est active dans la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants Site officiel
Cette affaire a aussi inspiré la série Ennemi public.
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