#Chroniques de la #GaucheQuébécoise (suite)
J'ai vu Le grand retour des Annulés (https://www.telequebec.tv/programmation/le-grand-retour-des-annules), le dernier docu-reportage de Marie-France Bazzo.
J'ai pas trouvé ça très utile. Les gens qui étaient cachés dans le bois sans Internet au cours des 10 dernières années vont peut-être apprendre quelque chose.
Je vais quand même pitcher quelques commentaires. Je vous invite à écouter le docu si vous en avez vraiment envie.
J'ai trouvé les arguments pro-dénonciations publiques assez incomplets. J'adhère pas à la posture «fesser dans la fissure» de Coralie Laperrière. Dénoncer des personnalités publiques peut en effet «faire un exemple» OU amener à une remise en question plus en profondeur - j'en ai bénéficié sur mon ancien lieu de travail, d'ailleurs.
Mais les vagues de dénonciations publiques peuvent tout aussi juste être une manière de pointer du doigt quelques boucs-émissaires avant de finalement rien changer structurellement. Vous savez comment ça marche des boucs-émissaires: iels sont puni-e-s de manière disproportionnée pendant que les véritables responsables s'en lavent les mains.
Est-ce qu'on a «fessé dans les fissures» et affaibli le système, ou on l'a renforcé en l'expiant symboliquement de ses péchés? Bonne question: j'imagine que ça dépend du point de vue. Avant #MoiAussi, j'assistais régulièrement à des ateliers sur le consentement (j'en ai également donné), surtout dans des petits festivals alternatifs, où c'était le free-for-all. Après: étrangement, rien. Peut-être que j'étais simplement «passé-e de mode» aussi, et que ce type d'ateliers en format «cercle de partage» se donnait toujours.
J'ai l'impression malgré tout que l'approche dominante est devenue plus punitive.
Et dans tous les cas, je constate qu'en ce moment, le système se renforce, peu importe l'impact passé des mouvements comme #MoiAussi. [1]
Je constate aussi que la gauche (re)devient graduellement plus autoritaire dans ses structures, et plus centrée autour de la figure des leaders. C'est exactement cette tendance qui nous a mené-e-s aux vagues de dénonciations, parce que le leadership était trop difficilement contestable et que personne n'était imputable. Si on change pas, on se condamne à des cycles infinis de béatifications/anathèmes.
On reparlera des réformes de la #justice québécoise une autre fois.
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Maintenant, je vais vous raconter très brièvement mes souvenirs liés au collectif «Dis Son Nom», mentionné dans le docu.
Je sais qu'au moment où la liste #DisSonNom a été créée, des gros employeurs la tchéquaient. Des ami-e-s qui étaient impliqué-e-s dans des processus d'embauche, du côté juridique et RH, m'en ont parlé. Donc il y avait un impact non-négligeable, c'est certain.
Le docu en parle pas, mais le processus de dénonciation de cette liste c'était alors pas très rigoureux. On prenait n'importe quel nom sans faire de vérification. C'était pas nécessairement lae victime/survivant-e qui dénonçait: les gens faisaient juste lister tout le monde sur qui avait plané des accusations par le passé. Je dis pas que des noms de personnes totalement innocentes se soient retrouvées dessus - je m'en rappelle plus. Mais j'ai vu des noms de personnes qui avaient fait l'objet d'un processus de justice réparatrice/transformatrice qui avait abouti. Plusieurs de ces noms ont été ajoutés sans le consentement des personnes ayant subi les abus.
Le processus s'est ensuite transformé pour inclure plus de vérifications. Et puis le drama interne s'est invité. Il y a eu de la chicane au sujet de la vente de produits dérivés et du leadership du collectif.
Un gars qu'on nommera pas a aussi poursuivi le collectif. Le gars en question était pas un innocent injustement visé. La poursuite a tout de même entraîné le retrait de centaines de noms de la liste (là-dessus, voir https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1783298/dis-son-nom-denonciations-violences-inconduites-sexuelles-agressions-miller-dufresne-lemire-liste).
ET PUIS les pages des réseaux sociaux de Dis Son Nom sont finalement devenues des plateformes DÉFENDANT Johnny Depp, en 2022 (voir capture d'écran). C'est pas des jokes. À partir de ce moment-là le collectif a vraiment pris du plomb dans l'aile.
On peut faire le bilan de Dis Son Nom en parlant de ce que ça a représenté collectivement pour des personnes qui avaient subi des abus et qui étaient forcées au silence. Je pense aussi que c'est important de comprendre exactement de quelle manière tout ça s'est exécuté, pour identifier nos erreurs.
Par ailleurs:
Ce n'est pas à moi de décider si la faute d'une personne constitue ou non des dommages irréparables. Ou si la personne a suffisamment cheminé et réparé pour reprendre une vie «publique». Est-ce que j'ai un avis sur Bernard Adamus? Non. Est-ce que j'ai un avis sur Julien Lacroix? Non plus.
Ça ne m'empêchera pas d'avoir une opinion sur le travail bâclé et partial de Tremblay et d'Hachey dans leur balado «L'affaire Julien Lacroix: 2 ans plus tard», qui défendait l'humoriste.
Il faut ménager de l'espace de réflexion - même public, je crois - et il y a des manières d'essayer de s'arranger pour pas déchiqueter des personnes au passage avec nos discussions. Si à gauche on le fait pas suffisamment, on laisse l'initiative au centre et à la droite - pis comme on sait, ce sont pas mal toujours des réflexions connes qui viennent de leur camp.
#DisSonNom #MoiAussi #AgressionsNonDénoncées #Wokisme #GaucheQc #Gauche
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[1]Rappel que Yves-François Blanchet est toujours chef du Bloc Québécois.
Màj: j'ai corrigé une faute.

