Après la fin de mon doc, j'ai décidé de retourner aux études au premier cycle à temps plein - tout en travaillant également à temps plein. Ça m'apparaissait très faisable mathématiquement, avec des semaines similaires à ce que je faisais l'année dernière, ce qui incluait:
1. job temps plein
2. doc
3. C.A. et comités populaires
4. activités scientifiques diverses
Je me suis dit que j'allais juste devoir flusher mon C.A., quelques comités et peut-être pas donner ma conférence de l'automne.
Mais après le cours d'intro intensif de 3 jours et mes deux premiers cours du lundi, je me suis soudainement rappelé-e les raisons pour lesquelles je déteste profondément l'université. Et maintenant, je pense pas que c'est mon horaire trop chargé qui va me faire décrocher - ce sera vraisemblablement la frustration (et accessoirement une douleur chronique aux mains).
Là, cette publication est juste issue de 4 jours intensifs et ma réflexion là-dessus sera sans doute évolutive.
Ce dont je me suis rappelé-e de l'université et qui m'avait pas manqué:
1. Les profs structurent souvent mal leur contenu.
Ça me dérange pas tant que le syllabus soit mal structuré: pour moi c'est le détail du cours qui compte et sur ce plan-là c'est quasiment toujours raté. Je dois carrément restructurer les powerpoint pour que mes notes soient utiles à l'étude. Lorsque j'ai fait mon premier bacc, je n'avais pas ce problème, parce qu'une bonne proportion des profs utilisaient encore un tableau d'ardoise et des acétates (quoique c'était en voie de disparition). Je restructurais à mesure que le cours se donnait. Et c'est d'ailleurs en comparant mes notes avec celles des autres que j'ai compris pourquoi je devais étudier beaucoup moins que la moyenne pour arriver à un résultat similaire de mettons A- ou A. La plupart étudiaient un charabia incohérent mélangé à de la méditation épistémique. Y pouvaient ben faire des nuits blanches et péter des crises de panique.
Comme les autres étudiant-e-s moyen-ne-s, j'arrive à étudier un contenu tiré d'un exposé mal construit et à me débrouiller aux exams. Mais c'est:
a) pénible pour rien
b) un accélérateur d'échec pour les élèves qui sont moins que «moyen-ne-s» dans un cours standard mais qui sont tout à fait en mesure de comprendre la matière lorsqu'elle est bien expliquée. On pourrait ici insérer une référence à la neurodivergence, vu que c'est à la mode, mais le principal problème que j'identifie c'est plutôt l'accès économique et culturel au développement d'habiletés académiques.
Je pense pas que les profs devraient toustes suivre des cours de pédago. Juste faire plus d'efforts pour structurer leur discours, et faire preuve d'un peu d'humilité. Je sais que souvent, leur réponse à ce genre de critique se limite à: «C'est dur l'université, c'est un programme sérieux ici, pis l'université c'est pas pour tout le monde.» (#MéprisDeClasse)
D'autres dressent des obstacles inutiles à escient dans le chemin des élèves et leur tendent des pièges, juste pour leur rendre la vie plus difficile et «les préparer au milieu compétitif et blablabla». Il ne leur passerait jamais à l'esprit de relever le niveau de leur cours en ajoutant plus de contenu scientifique.
Plusieurs profs ont une certaine sensibilité à ça et laissent un peu leur arrogance de côté. Ça ne les rend malheureusement pas plus structuré-e-s.
2. Les explications sont souvent incohérentes et pas claires
Je vais donner un exemple précis qui me plonge toujours dans la confusion. En écoutant pendant un de mes cours hier, je me suis rappelé-e que plusieurs profs n'établissent simplement pas de distinction claire entre:
- «À l'exception de»
- «Ici, il faut apporter une nuance»
- «Il y a des débats sur la question, mais si c'est dans l'examen, répondez ceci»
Pour illustrer ça, prenez la même information formulée de trois manières:
a) «Les langues iroquoiennes du Nord étaient parlées par des nations situées dans la Vallée du Saint-Laurent et sur le pourtour des Grands Lacs, à l'exception probable des Susquehannocks.»
b) «Les langues iroquoiennes du Nord étaient seulement parlées par des nations situées dans la Vallée du Saint-Laurent et sur le pourtour des Grands Lacs. À ceci, il faut apporter une nuance, puisque les Susquehannocks parlaient probablement aussi une langue iroquoienne du nord.»
c)«Les langues iroquoiennes du Nord étaient parlées par des nations situées dans la Vallée du Saint-Laurent et sur le pourtour des Grands Lacs. Il y a aussi les Susquehannocks qui vivaient en Pennsylvanie actuelle, mais on est pas à 100% certain-e-s qu'iels parlaient une langue iroquoienne du Nord. DANS CE COURS, on va les inclure dans cette catégorie.»
Et imaginez qu'il y ait cette question à l'examen:
«Vrai ou faux? Les langues iroquoiennes du Nord étaient uniquement parlées par des nations situées dans la Vallée du Saint-Laurent et sur le pourtour des Grands Lacs.»
Vous répondez quoi, selon la manière avec laquelle l'info a été présentée? Dans mon interprétation:
explication a): «à l'exception de»
- FAUX probable --> une exception modifie la règle telle qu'elle est présentée
explication b): VRAI --> une nuance basée sur une hypothèse alternative peut être considérée comme une info en «extra» qui ne modifie pas la règle
explication c): clairement FAUX
C'est juste un exemple, mais lors mon dernier examen (pas en histoire), une question à choix de réponse sur trois, pratiquement, contenait des éléments ouverts à ce genre d'interprétation. Avant, j'acceptais l'erreur en me disant que je n'avais pas bien écouté ou compris le matériel. Maintenant, je comprends que savoir interpréter l'intention du/de la prof compte tout autant que la révision du contenu.
Cela favorise certaines personnes, et en défavorise d'autres.
3. L'usage quasiment poétique d'épistémologie
Mon premier cours du lundi m'a ramené-e à certains de mes cours de métho de premier cycle suivis en 2006 et 2011. Les premières séances avaient été dédiées à une approche assez frivole de la science et à certains éléments d'épistémo que je n'ai jamais eu l'occasion d'utiliser pendant l'ensemble de la décennie suivante.
Je pense que les profs font ces digressions bizarres et nous infligent ces lectures d'articles qui ne contiennent absolument aucune information pertinente pour rendre la matière plus intrigante. Mais je constate que ça fait surtout des misères à tout le monde. Les étudiant-e-s perdent du temps à essayer de comprendre une matière inutilisable dans l'immédiat et partiellement inaccessible, faute d'outils et d'expérience.
Quand c'est le temps finalement d'utiliser les 2-3 informations importantes sur 100, c'est oublié depuis longtemps.
Je comprends l'intention derrière le fait de vouloir s'arrêter pour définir longuement les concepts avant de se lancer dans la pratique. C'est noble, mais c'est un voeu pieux.
Ça. Ne. Fonctionne. Pas.
C'est comme expliquer le fonctionnement technique d'un dérailleur à un enfant de 4 ans en espérant qu'iel se pétera pas la yeule en tricycle.
Je ne peux pas parler pour tous les départements de toutes les universités et je ne dirai pas qu'il y a simplement «trop d'épistémo» en comparaison du reste. Mais lorsque je mets la main sur un-e étudiant-e qui commence sa maîtrise dans mon domaine, la première question que je lui pose, c'est toujours: «connais-tu les outils de recherche?» et sa réponse c'est toujours «non».
Je garde d'autres réflexions pour un autre jour.